LE COMIT SNATORIAL PERMANENT DES DROITS DE LA PERSONNE
TMOIGNAGES
OTTAWA, le lundi 14 fvrier 2005
Twmoins:
Ligue pour le bien-tre de l'enfance du Canada:
Peter M. Dudding, directeur excutif.
Centre scientifique de prvention du CTSM :
Claire Crooks, directrice adjointe.
UNICEF Canada :
David Agnew, prsident et chef de la direction.
Vision mondiale Canada :
Kathy Vandergrift, prsidente, Groupe de travail sur les enfants dans les
conflits arms;
Sarah Austin, analyste des politiques, Droits de l'enfant et VIH-sida.
Membres du comit
Prsidente : L'honorable A. Raynell Andreychuk
Vice-prsidente : L'honorable Landon Pearson
et
Les honorables snateurs :
*Austin, C.P., (ou Rompkey, C.P.), Carstairs, C.P., Ferretti Barth, *Kinsella, (ou Stratton), LeBreton,
Losier-Cool, Oliver, Ppin, Poy
*Membres d'office
(Quorum 4)
Modification de la composition du comit :
Conformment l'article 85(4) du Rglement, la liste des membres du comit est modifie, ainsi qu'il suit :
Le nom de l'honorable snateur Ferretti Barth est substitu celui de l'honorable snateur Chaput (le 8
fvrier 2005).
OTTAWA, le lundi 14 fvrier 2005
Le Comit snatorial permanent des droits de la personne se runit aujourd'hui 16 h 5 pour examiner un
rapport sur les obligations internationales du Canada relativement aux droits et liberts des enfants.
Le snateur A. Raynell Andreychuk (prsidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La prsidente : Certains snateurs doivent bientt arriver, il y a un autre comit qui chevauche
celui-ci. Ils pourront lire le compte rendu des dlibrations d'aujourd'hui.
Nous reprenons l'examen et le rapport sur les obligations internationales du Canada relativement aux droits
et liberts des enfants. Nous avons le plaisir d'accueillir M. Peter Dudding, de la Ligue pour le bien-tre de
l'enfance du Canada, et la Dre Claire Crooks, directrice adjointe du Centre scientifique de prvention du CTSM.
M. Peter M. Dudding, directeur gnral, Ligue pour le bien-tre de
l'enfance du Canada : Il me fait plaisir de vous rencontrer aujourd'hui et de prsenter ce comit un
expos sur les efforts et la conformit du Canada en ce qui concerne les droits et liberts des enfants et des
jeunes.
C'est un sujet extrmement important qui n'a pas reu suffisamment d'attention.
En dpit de nos meilleures intentions, en tant que Canadiens et gouvernements, nous reconnaissons que les
droits et liberts des enfants et des jeunes sont ngligs, ignors et bafous chaque jour. Certaines de ces
violations se situent un niveau personnel ou individuel et beaucoup d'autres se situent des niveaux
systmiques et organisationnels, dans lesquels les gouvernements, les organismes gouvernementaux sont
directement impliqus. Je compte, dans ma prsentation d'aujourd'hui, fournir de brefs exemples de certaines de
ces violations.
Je suis ici aujourd'hui pour reprsenter la Ligue pour le bien-tre de l'enfance du Canada, ou LBEC. Nous
sommes une organisation nationale voue la promotion du bien-tre et de la protection de tous les enfants et
des jeunes. Nous nous soucions particulirement des enfants et des jeunes qui sont vulnrables, ceux qui sont
bafous, ngligs et exploits. Ces enfants et ces jeunes qui connaissent l'exclusion, le rejet, la pauvret, le
racisme et qui ne sont pas en mesure de pleinement profiter des avantages et opportunits qu'offre la socit
canadienne. Nous nous intressons particulirement ces enfants et ces jeunes pour lesquels sont conus les
systmes de protection du bien-tre, de l'enfance, de la sant mentale et de la justice pour les jeunes. Selon
notre exprience, ces enfants sont extrmement vulnrables.
Les droits des enfants et des jeunes sont la profession de foi qui guide notre organisation. Notre plan
stratgique stipule clairement que les clauses de la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant
doivent tre promulgues au Canada et l'tranger afin de s'assurer que tous les enfants sont protgs et
soutenus.
Les 102 organisations membres de la LBEC sont les agences de service pour l'enfance et la famille, des
associations provinciales et nationales, des universits et des administrations provinciales, territoriales et
fdrales. Nous avons des membres dans les 13 provinces et territoires et ensemble, nos membres servent plus de
500 000 familles chaque anne.
La LBEC est membre du Forum international du bien-tre de l'enfance, et de l'Alliance pour la prvention de
la violence de l'Organisation mondiale de la Sant. La LBEC est aussi un des partenaires participants du Centre
canadien d'excellence pour le bien-tre de l'enfance.
Quels sont les problmes? Aujourd'hui, je vais porter une attention particulire aux aspects prcis touchant
les enfants vulnrables et aux questions relies aux articles 19 et 20 de la Convention relative aux droits de
l'enfant, bien que mes recommandations soient d'une application plus vaste et aient une incidence sur les droits
et les liberts de tous les enfants et les jeunes du Canada.
Bien que les gouvernements provinciaux, territoriaux et municipaux crent beaucoup de services pour l'enfant
et la famille, le gouvernement fdral joue un rle dterminant dans le financement, la lgislation et la
politique qui ont trait ces services. Le gouvernement fdral a galement des responsabilits exclusives et
directes dans des domaines tels que la justice, l'immigration et les services aux Autochtones.
J'y reviendrai plus tard.
Maintenant, je vais brivement vous dcrire trois situations qui sont des exemples reprsentatifs de
violations des droits qui surviennent tous les jours. Une fille de 17 ans a t battue srieusement par un
parent et t chasse de la maison. Cette jeune fille n'est pas considre comme une enfant ayant besoin de
protection par six provinces et territoires, qui n'offrent pas de protection aprs l'ge de 16 ans. Bien qu'elle
puisse tre admissible une certaine forme de revenu de soutien par le truchement de l'assistance sociale des
tudiants, si la jeune fille frquente l'cole, elle porte seule la responsabilit du logement, de ses soins et
de son traitement.
Le demandeur d'asile g de deux ans avec sa mre, venant d'un pays de l'Afrique, qui on a refus, parce
qu'elle est sropositive, une audience d'immigration pour motifs d'ordre humanitaire et de compassion; c'est
exactement ce qu'on appelle de l'exclusion. Par la suite, elle est renvoye son pays d'origine sans avoir reu
de soins mdicaux adquats.
Un garon de 12 ans atteint d'autisme profond et qui est abandonn par ses parents, parce qu'il a besoin de
protection, un organisme d'aide sociale de l'enfance. Les parents n'ont pas les moyens de lui fournir les
soins spcialiss dont il a besoin et le comportement de cet enfant est tel qu'il est un danger pour ses amis,
ses parents et lui- mme.
On peut certainement dire que c'est ce genre de situation qui retient chaque jour l'attention des bureaux
d'aide sociale pour l'enfance dans le pays. La dernire dcennie a t difficile et a constitu un dfi norme
pour les enfants et les jeunes vulnrables. Les services de soutien cet lment de la population ont d'normes
difficults faire face la fois au volume, au type et la complexit des problmes.
Le nombre estim d'enfants et de jeunes entrant dans le systme d'assistance publique a augment de plus de
50 p. 100 dans les 10 dernires annes. Bien qu'il soit extrmement difficile de runir les donnes nationales
sur les enfants confis des familles d'accueil, un problme auquel je reviendrai, la LBEC estime qu'ils
taient environ 40 000 en 1996. Ce chiffre avait augment 66 000 en 2003. Cette tendance fait figure de
baromtre du bien-tre des enfants, des jeunes et des familles canadiennes, et est un indicateur de la nature
des programmes sociaux de prvention du pays.
En 1998, l' tude canadienne sur l'incidence des signalements de cas de violence et de ngligence envers les
enfants , l'ECI, a t la premire tude nationale sur la frquence des cas rapports de mauvais traitements
envers les enfants, et sur les caractristiques des enfants, des jeunes et des familles ayant t l'objet
d'enqutes des services l'enfance et la famille.
En bref, l'ECI a tabli un chiffre estimatif de 136 000 enqutes sur les mauvais traitements de l'enfant, ce
qui donne un taux d'incidence annuel de 21,5 enqutes par 1 000 enfants. Ce taux est nettement infrieur celui
des tats-Unis, o il est de 46 sur 1 000 enfants, et suprieur celui de la Grande-Bretagne, qui affiche un
taux de 18 enqutes par 1 000 enfants. Le type le plus frquent de mauvais traitements tait la ngligence
l'gard des enfants.
Une nouvelle ECI a t mene en 2003, et nous en attendons les conclusions pour les communiquer au public, en
2005; ainsi nous pourrons dterminer la tendance nationale en matire de frquence de mauvais traitements des
enfants.
Les donnes publies de l'tude complmentaire ontarienne sur la frquence montrent qu'il y a eu 44 000
enqutes en 1993, et elles ont atteint le nombre de 66 000 en 1998. Selon les premires constatations de l'tude
de 2003, le nombre d'enqutes a de nouveau augment, et considrablement. La principale catgorie recense
jusqu' maintenant est celle des enfants tmoins de violence familiale.
Le nombre d'enfants et de jeunes Autochtones placs en foyer d'accueil est disproportionn par rapport la
population. Le nombre d'enfants et de jeunes Autochtones en phase d'tre placs n'a cess d'augmenter, et la
Socit de soutien l'enfance et la famille des Premires nations estime que ce nombre dpasse celui des
enfants placs lorsque le programme des pensionnats tait son sommet. En clair, le problme du traitement des
enfants, des jeunes et des familles autochtones dans le contexte de leur dveloppement conomique et social
exige que le gouvernement fdral y porte une attention particulire.
D'aprs la Campagne 2000, le taux de pauvret infantile au Canada est en hausse, avec 1,065 million d'enfants
qui vivent dans la pauvret, et en 2004, le taux de pauvret infantile a enregistr une hausse pour la premire
fois en six ans, atteignant 15,6 p. 100. En 2003, le gouvernement de la Colombie-Britannique a promulgu une loi
permettant aux enfants de 12 ans d'avoir un travail rmunr. Cette loi n'est pas conforme aux lois
internationales qui fixent 13 ans l'ge minimum pour avoir un emploi.
Dans cette analyse digne de foi de l' Enqute longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes , la
ELNEJ, J. Douglas Willms, de l'Universit du Nouveau-Brunswick, a formul un indice de vulnrabilit qui
constitue une mesure sommaire en matire de vulnrabilit de l'enfance. Les donnes indiquent, selon l'ELNEJ de
1994, que 28,6 p. 100 des enfants canadiens sont considrs comme vulnrables et prsentent des troubles
comportementaux, affectifs ou psychologiques qui sont suffisamment graves pour susciter de l'inquitude quant
leur fonctionnement actuel et leur dveloppement futur. Comme l'a dclar l'honorable snateur Landon Pearson
dans la prsentation de cette tude, nous savons que beaucoup d'enfants dans ce pays sont vulnrables et nous
sommes inquiets de voir que ce chiffre semble augmenter . Il n'y a aucune tude comparative courante base sur
des donnes plus rcentes de l'ELNEJ pour indiquer quelle est la tendance actuelle.
En 2003, la Commission du droit du Canada a publi un rapport sur les cots et les consquences conomiques
des svices infligs aux enfants au Canada. Selon ce rapport, d'aprs les donnes de 1998 de l'ECI, il en cote
par anne la socit canadienne 15,7 milliards de dollars. Il est important de noter que c'est nettement plus
que l'investissement total de 13 milliards de dollars que le gouvernement fdral a prvu dans le Plan d'action
national pour les enfants.
Enfin, le Canada n'a pas de politique nationale traitant des besoins des enfants spars, les mineurs non
accompagns qui demandent le statut de rfugi. Bien que le nombre de demandes soit actuellement faible il est
estim 2 000 par anne , ce segment de la population connat un nombre important de problmes dont nous
devons prendre conscience. Le traitement varie considrablement travers le Canada quand il s'agit de choses
comme la responsabilit de la tutelle et la prestation de services de soutien, comme le logement, la sant et
l'ducation. Les chiffres augmentent chaque anne au Canada et vont probablement continuer d'augmenter avec la
mise en place de la nouvelle Entente sur les tiers pays srs entre les tats-Unis et le Canada.
Ce qui est curieux, c'est qu'on remarque un taux d'abandon lev entre la prsentation d'une demande de
rfugi un point d'entre et sa poursuite par une requte devant la Commission de l'immigration et de
dtermination du statut de rfugi, et personne ne sait ce qui arrive ces jeunes qui disparaissent . Les 1
200 demandes dont on parlait tout l'heure tombent 25 ou 35 demandes faites la Commission d'immigration, et
personne ne sait ce qui est arriv entre- temps.
Une question connexe concerne le moratoire actuel qu'applique le Canada sur l'admission des enfants et jeunes
rfugis en provenance de l'tranger qui n'ont pas de famille ou de proches parents. Dans le pass, la pratique
humanitaire du Canada consistait notamment assurer la rinstallation d'un bon nombre de ces enfants et jeunes
qui sont les plus exposs aux risques, en coopration avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les
rfugis.
La LBEC a t un intervenant dans la contestation devant le Cour suprme de la constitutionnalit de
l'article 43 du Code criminel du Canada. La LBEC a fait valoir que le recours au chtiment corporel des enfants
porte atteinte aux droits humains des enfants tels qu'ils sont clairement exprims dans la Convention relative
aux droits de l'enfant des Nations Unies. La dcision de la Cour suprme de confirmer la constitutionnalit de
l'article 43 tout en limitant les possibilits de drogation a t une erreur. Au lieu de clarifier les choses
et de fournir une protection efficace aux enfants contre les mauvais traitements, ce jugement a accru
l'incertitude et caus des difficults aux systmes crs pour protger les enfants contre la violence. Les
rsultats de recherches sur ce sujet sont clairs sur deux aspects importants. Dans les pays qui ont banni le
chtiment corporel, les taux de mauvais traitement des enfants ont chut. Par ailleurs, les enfants qui ont t
levs dans les foyers usant d'autres formes non physiques de discipline ont des conditions de vie nettement
meilleures. C'est un fait scientifiquement tabli.
Au cours de la dernire dcennie, la rduction des capacits des programmes sociaux au Canada n'a fait
qu'exacerber les inquitudes. Les mesures d'austrit, l'absence d'objectifs et d'attentes bien dfinis posent
problme. Le Rgime d'assistance publique du Canada a t transform en Transfert canadien en matire de sant
et de programmes sociaux en 1995, pour devenir le Transfert canadien en matire de programmes sociaux le 1er
avril 2004. Cela n'a pas augment notre capacit de stimuler les dterminants sociaux de la sant et du
bien-tre pour nos enfants et nos jeunes. Aujourd'hui, nous avons beaucoup de terrain rattraper en
investissant judicieusement dans les programmes sociaux pour amliorer la qualit de vie des enfants et des
jeunes. C'est maintenant notre dfi le plus crucial.
Quelles sont les russites? Il rgne un climat de renouvellement et nous avons la possibilit au Canada de
faire en sorte d'accorder plus d'attention et de ressources nos programmes sociaux destins aux enfants et aux
jeunes vulnrables. L'laboration de Un Canada digne des enfants , le Plan d'action national du Canada pour
les enfants, brosse une excellente perspective de ce qu'il est possible de russir pour le compte de nos enfants.
Le document est complet et constitue un bon cadre pour dfinir les besoins combler. Il est important que le
Plan d'action national soit appuy par le dveloppement d'objectifs mesurables, limits dans le temps et tays
par des donnes, et d'en suivre la progression en se fondant sur des observations de recherches pour favoriser
l'obtention des meilleurs rsultats possibles pour nos enfants. Le gouvernement fdral a engag d'importants
investissements dans ces domaines qui demandent plus de dveloppement et de soutien et qui sont compatibles avec
l'orientation nationale en matire de dveloppement de nos enfants et de nos jeunes.
Le Projet canadien S'occuper des enfants, SOCEN, a eu l'appui de Dveloppement social Canada. Son but est de
fournir une valuation et une planification compltes pour les enfants et les jeunes de l'assistance publique.
C'est une approche du dveloppement de l'enfant fonde sur des preuves, pour favoriser l'offre d'une bonne
ducation aux enfants qui ont connu des difficults exceptionnelles. Aujourd'hui, sept provinces et trois
territoires y participent, et le Canada fait partie du groupe des 15 pays artisans de cette importante dmarche.
Le SOCEN offre la possibilit de rassembler des informations extrmement dtailles sur ce groupe de 66 000
enfants, et contrle leur dveloppement au fil du temps. L' tude canadienne sur l'incidence des signalements
de cas de violence et de ngligence envers les enfants est finance par l'Agence de sant publique du Canada,
l'ASPC. Ce programme crucial de contrle et de surveillance mdicale se fait sur la base d'une enqute tous les
cinq ans. Cette initiative fournit des informations de base importantes pour mieux comprendre l'tendue et la
nature des mauvais traitements de l'enfant au Canada. La possibilit d'accrotre la frquence de la
surveillance, d'amliorer la capacit de prsentation de rapports des organisations et d'tablir des liens avec
les systmes d'information provinciaux, territoriaux et des collectivits contribuera mettre fin au mauvais
traitement des enfants.
Le Centre d'excellence pour la protection et le bien-tre des enfants, le CEPB, est l'un des quatre centres
de recherche financs par l'ASPC en vertu de son programme de Centres d'excellence pour le bien-tre de l'enfant.
Le Centre atteint sa dernire anne de financement en 2005, et il demande un renouvellement pour cinq ans. Le
Centre a assur le leadership et il a innov pour le bien-tre de l'enfant au Canada en crant une recherche sur
un programme de politiques et pratiques . Cela a t une dmarche novatrice en matire de protection de
l'enfance au Canada, que de lier les universits aux organismes communautaires, d'identifier les approches
fondes sur des observations et de crer la capacit de mesurer les rsultats. Le CEPB a aussi cr le tout
premier site de recherche des Premires nations au Manitoba. Ce projet pilote a eu beaucoup de succs et la
planification pour son dveloppement ultrieur et sa croissance se poursuivra avec l'ASPC en 2005.
Permettez-moi de parler maintenant de responsabilit et du rle du gouvernement fdral. notre avis, le
gouvernement fdral joue un rle vital dans la promotion de l'amlioration du dveloppement des enfants et des
jeunes vulnrables. Nous reconnaissons que le Canada est l'un des tats fdraux le plus dcentraliss qui
soient. Le rle de leadership doit tre assum de concert avec les provinces et les territoires, et engager les
gouvernements municipaux, les organisations de la socit civile, les citoyens, les enfants et les jeunes ainsi
que le secteur priv.
Le gouvernement fdral a, sa disposition, deux instruments dterminants, qui notre avis devraient tre
renforcs et amliors. Son premier rle est d'assurer un leadership politique sur des questions importantes
relatives aux enfants et aux jeunes. Ce rle de leadership politique est la responsabilit de tous les membres
du Parlement, du Snat et du gouvernement. De plus, deux rles de leadership spcifiques ont t identifis : le
secrtaire d'tat pour les enfants et les jeunes et le conseiller spcial des droits des enfants auprs du
ministre des Affaires trangres. Le poste de secrtaire d'tat a t aboli en juillet 2004. On ne sait pas
exactement pourquoi le rle de conseiller spcial des droits des enfants est limit aux Affaires trangres et
ne concerne pas les autres ministres fdraux, et plus particulirement ceux de la Sant, du Dveloppement
social, de la Justice, de la Citoyennet et de l'Immigration, des Affaires indiennes et du Nord canadien, des
Ressources humaines et du Dveloppement des comptences ainsi que du Patrimoine. Il n'y a aucun ministre
reprsentant directement les enfants et les jeunes au niveau du Cabinet. Je vais passer aux recommandations.
Quelles sont les recommandations? Tout d'abord, de crer un secrtariat pour l'enfance et la jeunesse au sein
du gouvernement du Canada. Son but serait de dfendre et de surveiller des dossiers particuliers, de coordonner
les activits et le dveloppement des politiques des ministres et des organismes fdraux et d'offrir l'appui
d'un secrtariat la commission d'Un Canada digne des enfants.
La deuxime chose importante est de constituer une commission pour Un Canada digne des enfants . Cette
commission serait compose de reprsentants des enfants et des jeunes, des gouvernements provinciaux et
territoriaux, des ministres fdraux, des organisations de la socit civile, d'autres minents Canadiens
reprsentant les citoyens, ainsi que d'universitaires. J'insisterai sur une chose ce propos : la commission
aurait deux commissaires et au moins l'un d'eux serait un ou une jeune.
La troisime recommandation est de faire l'examen des rles, des responsabilits, des mandats, du financement
et du soutien pour les rles de leadership politique en rapport avec les enfants et les jeunes au sein du
gouvernement. La quatrime serait de dvelopper une large campagne d'ducation publique pour promouvoir l'emploi
d'une discipline positive et non physique dans l'ducation des enfants. Une cinquime serait d'tendre tous
les citoyens, sans distinction d'ge, la protection contre les agressions selon le Code criminel du Canada. La
sixime serait d'augmenter le financement fdral pour appuyer une grande varit d'initiatives base sur des
recherches en faveur des enfants et des jeunes vulnrables. La septime, c'est de dvelopper des exigences
d'imputabilit plus leves pour le Transfert canadien en matire de programmes sociaux concernant les objectifs,
le contrle, les communications de rapports et les rsultats. La huitime est de demander ce que la Commission
du droit du Canada mne une tude officielle sur l'application de la Convention relative aux droits de l'enfant
des Nations Unies la loi canadienne, y compris la Charte des droits et liberts et toute lgislation
provinciale et territoriale pertinente. Cette tude fournira des recommandations sur la manire d'intgrer le
CDE dans la loi canadienne.
Mme Claire Crooks, directrice adjointe, Centre scientifique de prvention du
CTSM, Centre de toxicomanie et de sant mentale, CTSM : Les observations de M. Dudding au sujet des groupes
d'enfants vulnrables du Canada font une excellente toile de fond pour mon expos. Il porte sur un groupe
particulier de jeunes vulnrables du Canada, ce demi- million d'enfants canadiens qui vivent dans climat de
violence familiale et qui en portent les squelles, et met particulirement l'accent sur ce qui arrive ces
enfants aprs le divorce ou la sparation de leurs parents.
Je vais brivement parler du manque de cohsion entre l'orientation actuelle de l'approche concernant la
sparation et le divorce et les besoins de ce groupe particulier d'enfants. Je proposerai ensuite trois types de
solutions dont ce pays a besoin pour remplir ses obligations en vertu de la Convention des Nations Unies
relative aux droits de l'enfant.
Les dispositions les plus pertinentes de cette convention sont le paragraphe 3.1, qui souligne les meilleurs
intrts de l'enfant comme tant un facteur principal tenir en compte dans la prise de dcision; le paragraphe
3.2, qui garantit la protection de l'enfant, et les paragraphes 9.1 et 9.3, qui protgent les rapports de
l'enfant avec ses parents, sauf dans le cas de violence ou de ngligence et quand les intrts de l'enfant
exigent qu'il en soit autrement.
L'une des complications que prsente la prise de dcision dans le contexte de la violence familiale, c'est
que ces trois clauses sont mal soutenus, dans le mme domaine, pour avoir de la force. C'est un domaine qui
exige une analyse complexe et des solutions complexes, et des solutions trop simplistes continueront d'tre mal
penses et mal administres.
J'aimerais commencer par faire ressortir certains changements qu'a connus l'attitude gnrale des Canadiens
l'gard de la sparation et du divorce. En vertu de mesures adoptes par la Convention relative aux droits de
l'enfant des Nations Unies, qui insiste sur les meilleurs intrts de l'enfant et son droit de ne pas tre
spar de ses parents, un virage s'est amorc vers des mesures lgislatives plus axes sur la collaboration et
des solutions plus amicales, un accent plus prononc sur la mdiation entre parents pour rgler l'amiable les
questions de garde, et prvenir les rpercussions motionnelles et financires d'un procs.
Pour bien des enfants canadiens, ces solutions les ont aids prserver leurs relations avec leurs deux
parents la suite d'une sparation ou d'un divorce. Plus que jamais auparavant, on accorde aux pres la garde
ou la garde partage des enfants et ils continuent s'impliquer activement dans la vie de leurs enfants aprs
la sparation. Encore une fois, pour la plupart des enfants dont les parents se sparent, il y a de
merveilleuses initiatives et une hausse relle de leur qualit de vie aprs la sparation.
Les modifications proposes la Loi sur le divorce, qui n'ont jamais t promulgues, affichent cette mme
tendance vers la collaboration et s'loignent de la notion de garde pour la remplacer par un concept de rle
partag des parents.
Bien que ces orientations soient, de faon gnrale, positives pour la majorit des enfants dont les parents
se sparent, elles ne parviennent pas protger les intrts des enfants dont les parents ont des antcdents
de violence familiale.
Je vais brivement parler de tout cet autre domaine de la recherche et de la sensibilisation clinique qui a
pris de l'ampleur depuis une vingtaine d'annes, et il s'agit des effets de la violence familiale sur les
enfants. Les recherches ont dmontr que malgr un ventail de rsultats chez ces enfants, eu gard leur
exposition la violence familiale, le rsultat d'ensemble est ngatif. Les enfants tmoins d'actes d'agression
d'un parent l'gard de l'autre, et du climat qui s'ensuit, manifestent une gamme de symptmes ngatifs, dont
le trauma, la dpression, les troubles du comportement internalis, comme l'anxit et la dpression, les
troubles du comportement externalis, les troubles du sommeil, les difficults l'cole et dans leurs relations
sociales.
Nous en sommes venus comprendre que bien de ces enfants s'en tirent tout aussi mal que ceux qui sont
directement agresss. On a fini par reconnatre que ces enfants sont vulnrables, et qu'ils ont besoin de
protection, et c'est en fait ce que leur promet la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies.
C'est l qu'apparat une certaine incohrence. D'un ct, le divorce prend un virage vers des lois favorables
la collaboration, la mdiation et la garde partage. D'un autre ct on reconnat, tant dans le milieu de la
recherche que dans le milieu clinique, la dvastation subie par les enfants tmoins d'actes d'agression physique
d'un parent envers l'autre, et ces deux phnomnes ont t reconnus de faon indpendante.
De toute vidence, il faut tenir en compte le point de rencontre de ces deux phnomnes. Qu'arrive-t-il aux
enfants qui ont vcu dans des familles o il y a de la violence familiale aprs la sparation de leurs parents?
Dans l'tat actuel des choses, une mre qui quitte un conjoint violent afin de protger sa fille de huit ans,
pour que celle-ci n'aie plus s'enfermer dans la salle de bain pour composer le 911 pendant que sa mre est
agresse pourrait ngocier les responsabilits parentales avec l'auteur de la violence. Elle pourrait donc tre
expose encore d'autres actes de harclement et de violence tous les mercredis soirs et une fin de semaine sur
deux lorsqu'elle accompagne sa fille. Ce sont ces enfants-l qui, je le soutiens, ont besoin de plus de
protection si le Canada veut s'acquitter pleinement de son obligation dicte par la convention des Nations Unies.
Pour comprendre en quoi la violence familiale est un facteurs tellement pertinent au moment de prendre un
dcision au sujet de la garde d'enfants, il convient d'examiner deux mythes entourant la violence conjugale et
la sparation. Le premier mythe est que la violence conjugale envers les femmes s'arrte aprs la sparation. On
pense ceci : on sait qu'il y avait des abus et de la violence dans cette famille, mais maintenant que les
parents sont spars, pourquoi en parle-t-on encore? La ralit c'est que bien souvent, la violence familiale ne
cesse pas aprs la sparation. Tout au contraire, ce peut-tre un signal pour l'auteur des agressions
d'intensifier ses tentatives pour contrler ou punir une conjointe qui essaie de le quitter.
Selon Statistique Canada, environ une victime sur quatre affirme que la violence ne fait que s'aggraver aprs
la sparation. La ncessit des rencontres entre les parents spars, en vertu des droits de visite, peut offrir
des occasions de harclement et d'agressions.
La sparation est aussi la priode la plus dangereuse pour une femme qui quitte un partenaire agressif. La
violence conjugale et les homicides sont intimement lis, et les statistiques nationales des tats-Unis et du
Canada dmontrent que les femmes les plus risque d'tre tues sont celles dont l'ex-conjoint a des antcdents
de violence familiale.
Plusieurs comits de rvision des crimes commis la suite d'actes de violence familiale ont t crs aux
tats-Unis ainsi qu'au Canada, en Ontario, sous les auspices du Bureau du coroner en chef de l'Ontario. Ces
comits passent en revue des tragdies familiales pour essayer d'en tirer des leons et de trouver des moyens
d'en prvenir d'autres. Il est incroyable que dans presque tous les dossiers examins, les enfants sont en
cause, soit comme tmoins ou tout le moins en perdant la personne qui s'occupe le plus d'eux, et dans certains
cas, ils deviennent directement les victimes de meurtres lis la violence familiale. Il arrive mme que sans
qu'il y ait eu des antcdent de violence l'gard des enfants, ceux-ci soient tus, devenant un instrument de
contrle ultime sur un partenaire adulte.
Le deuxime mythe est que les enfants qui ne sont pas directement impliqus dans les actes de violence n'en
sont pas affects. On croit encore au mythe selon lequel une personne peut tre un mauvais conjoint et bon
parent. Toutes sortes de recherches menes dmontrent que ce n'est tout simplement pas vrai.
Les enfants sont touchs de faon continue et de nombreuses faons. Ils peuvent continuer d'tre exposs
diverses formes de violence et de harclement criminel quand ils sont raccompagns chez l'autre parent. Ils
peuvent vivre avec un parent qui est terroris par l'autre, ce qui se rpercute sur leur scurit motionnelle.
Ils peuvent continuer d'tre exposs l'auteur de la violence familiale, est un pitre exemple de rapports
sains. En outre, ils peuvent servir d'instruments de violence continue. J'ai vu dans des valuations cliniques
que les enfants sont amens surveiller les alles et venues d'un parent pour le compte de l'autre et lui
faire des rapports. La violence motive qu'exerce ce genre de comportement est terrible pour les enfants qui
sont appels tre des espions dans la maison d'un parent.
De plus, les enfants exposs la violence conjugale risquent d'en devenir eux-mmes victimes parce qu'il y a
un grand chevauchement entre ces formes de mauvais traitements. Plusieurs tudes ont dmontr que le degr de
chevauchement est entre 30 et 60 p. 100, donc s'il y a violence dans la famille, il y a de 30 60 p. 100 de
risques que les enfants soient aussi directement agresss.
Enfin, ces enfants vulnrables peuvent aussi subir des rpercussions ngatives sur une longue dure,
dcoulant de leur passage dans la mcanique juridique. Bien des auteurs d'actes violents utilisent un procs
devant un tribunal comme forme de contrle et d'agression contre l'ex-partenaire.
J'ai dcrit brivement les faons par lesquelles notre systme ne protge pas ces enfants vulnrables.
Maintenant, je vais passer aux solutions. Il y a trois types de solutions ncessaires : les changements
lgislatifs, la formation et les ressources de collaboration.
Actuellement, la Nouvelle-Zlande et la moiti des tats des tats-Unis ont conu ce qu'on appelle une
prsomption rfutable contre l'attribution de la garde partage ou exclusive l'auteur de la violence. Cela
veut tout simplement dire que le juge n'accorde pas le droit la garde partage ou exclusive aux conjoints
violents, moins qu'il y ait suffisamment de raisons pour infirmer la prsomption. Le fardeau de la preuve se
dplace vers le conjoint violent et c'est lui de dmontrer que les enfants seront en scurit, quelle que soit
l'entente parentale qui en dcoulera.
Bien que la prsomption rfutable puisse tre le scnario le plus optimiste, le Canada doit tout le moins
adopter des mesures lgislatives pour que la violence familiale soit obligatoirement un facteur examin dans les
dcisions relatives la garde des enfants. En faisant de la violence familiale une prsomption rfutable ou un
facteur qui doit tre tenu en compte, nous liminerons un lment alatoire de la situation actuelle.
La scurit des enfants ne devrait pas dpendre de l'intervention ou non dans leur cas d'valuateurs de garde,
d'avocats ou de juges qui comprennent les incidences de la violence familiale. Tel qu'est le systme maintenant,
l'assignation un certain dossier se fait un peu la courte paille.
L'une des inquitudes exprimes, au sujet de l'adoption de quelque chose comme la prsomption rfutable,
c'est que dans une certaine mesure, on cre une arme trop puissante pour les diffrends relatifs la garde des
enfants, et les gens s'inquitent des risques de fausses allgations. Je voudrais rappeler au comit que d'aprs
les conclusions de notre enqute nationale, un tiers seulement des victimes de violence familiale le dclarent
la police, et tout porte croire que la violence familiale est largement passe sous silence. M. Nicolas Bala,
de l'Universit Queen's, a aussi fait quelques recherches, dont la conclusion est que le nombre de vritables
fausses allgations est infime.
Sans une formation et une planification adquates, les nouvelles lois deviennent, au mieux, sans effet et, au
pire, elles ont des rsultats ngatifs incompatibles avec les rglements de la Convention des tats-Unis. Je
peux donner, en quelques mots, l'exemple de l'tat du Minnesota, qui a adopt une loi pour faire de l'exposition
la violence conjugale un motif de protection de l'enfant.
Reconnaissant que les enfants exposs la violence conjugale peuvent tre tout aussi perturbs que ceux qui
sont eux-mmes agresss, le Minnesota a adopt une loi qui en fait un motif suffisant pour justifier leur
protection. Malheureusement, cela s'est fait sans constituer une capacit du systme permettant de comprendre
quels enfants et quelles familles devraient tre intgrs au cadre de protection de l'enfant.
La loi a t promulgue. Le nombre d'enfants mis en foyer a doubl. Tout cela a compltement submerg le
systme et la loi a d tre rvoque, et alors ce qui peut sembler avoir t une mauvaise loi n'est peut-tre
qu'une loi qui a t promulgue sans le soutien d'une infrastructure pouvant assurer sa mise en uvre de faon
approprie.
Il y a d'excellents exemples de bonne formation dans le domaine. La Californie impose 16 heures par anne de
formation sur la violence familiale tout valuateur de garde; c'est 12 heures de cours et quatre heures sous
forme de service de visite des victimes, des agresseurs et des enfants. Aux tats-Unis, le National Council of
Juvenile and Family Court Judges offre rgulirement aux juges l'occasion de parfaire leurs comptences
lorsqu'ils ont affaire de complexes cas de violence conjugale. Tout cela doit se faire en mme temps, parce
que les dossiers sont trs complexes, et sans un entendement complexe, les solutions seront sans effet.
Enfin, pour ce qui est des ressources de collaboration, les tribunaux ne sont efficaces que dans la mesure o
des services communautaires essentiels sont fournis. Pour que les enfants puissent entretenir des relations
saines et permanentes avec l'auteur de l'agression, il est indispensable d'avoir des centres d'accs surveill,
d'offrir un programme de traitement l'agresseur qui aborde les problmes de la perptration de la violence
familiale et du rle de parent, et d'offrir aussi des programmes de consultation pour enfants. Sans ces
services, les communauts font de leur mieux, mais ce sont les enfants qui copent.
Dans mes travaux cliniques, en ma qualit d'valuateur de la garde, j'ai vu des voisins, des proches ou des
paroissiens remplis de bonne volont tenter de combler les lacunes quand il n'y a pas de centres d'accs
surveill adquats, mais ils n'ont ni la formation, ni l'information ncessaire. Dans certains cas, la famille
ou les paroissiens supervisent un cas sans savoir ce qu'ils sont censs superviser, et les enfants et leur
principal gardien sont exposs d'autres actes de violence.
Pour terminer, le virage vers la mdiation, l'ducation des parents, la loi de collaboration, la garde
partage et les arrangements de coopration entre parents ont t bnfiques pour bien des enfants.
Malheureusement, ce vaste mouvement laisse dans une situation trs vulnrable un demi million d'enfants qui ont
vu un parent agresser l'autre, particulirement au moment de la sparation et par la suite. Quand il y a des
antcdents de violence familiale, il faut pour y remdier des solutions trs diffrentes, qui reconnaissent que
les enfants peuvent se retrouver sur le front d'une guerre perptuelle.
Bien trop souvent, les mdias dpeignent la controverse sur les dcisions lies la garde comme une lutte
entre les groupes de dfense des droits des pres et les dfenseurs des mres. Mon message, aujourd'hui, c'est
que les dcisions prises relativement la garde dans le contexte de la violence familiale n'ont rien voir
avec les droits des mres ou des pres. Il s'agit du droit fondamental des enfants la protection et la
scurit, qui est inextricablement li la protection et la scurit de leur principal gardien. Ce droit
fondamental est stipul dans la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies, et j'espre que le
comit saura en tenir compte lorsqu'il fera ses recommandations.
La prsidente : Monsieur Dudding, vous avez parl de plusieurs domaines et de plusieurs enjeux,
notamment en ce qui concerne le Code criminel.
Nous essayons de dterminer comment les instruments internationaux, et la Convention relative aux droits de
l'enfant, surtout, peuvent nous aider dfendre les droits des enfants au Canada. Bien que la Convention ait
t signe et ratifie, il n'y a pas de clause d'habilitation singulire lui donnant qualit de loi. Parfois
c'est une directive morale et d'autres fois, c'est une disposition de la loi.
Est-ce que vous croyez vraiment que le fait d'imposer la Convention au moyen de la loi donnerait plus de
pouvoir aux gens qui travaillent dans le domaine avec les enfants, aux dfenseurs et, par leur biais, aux
enfants? Parlons-nous ici d'ducation et de virage dans la culture et les valeurs de notre socit pour mieux
protger les enfants et leurs droits? Est-ce que ce sur quoi vous voulez insister, c'est une structure lgaliste
ou mdiatrice?
M. Dudding : Voil une question trs importante. Je rpondrai, je pense, les deux. Certainement,
lorsque je pense, par exemple, au type de violation fondamentale entourant ce problme des jeunes de 16 ans et
leur besoin de protection, c'est une situation qui, selon moi, exige une solution lgaliste. Cependant, nous
savons aussi que mme dans certains territoires, par exemple, o la loi peut offrir une protection aux jeunes de
18 ou 19 ans, en gnral, la pratique consiste tout de mme dire non, dbrouillez-vous seul ailleurs, parce
que la ralit veut que le systme manque soit de la formation ou du type de ressources appropri pour
intervenir comme il le faudrait pour ces jeunes l.
Cela m'amne suggrer, pour que toute loi ou concept juridique puisse se raliser, que nous devons nous
assurer de comprendre la situation comme il le faut, d'avoir la bonne attitude, une formation approprie et des
ressources suffisantes pour appuyer ce genre de chose.
Il faut un cadre. Au risque de rpter des tmoignages antrieurs, je dirai que la question est de savoir
comment nous allons appliquer la Convention relativement aux droits de l'enfant et la concrtiser dans notre
pays; c'est un dfi que nous devons affronter et relever plutt que de tout simplement lever les paules en
disant : Eh bien, c'est ainsi.
Le snateur Oliver : Je tiens vous remercier toutes deux de vos excellentes prsentations. J'avais
une question poser chacun de vous. Tout d'abord, la page 5, vous parlez du rle du lgislateur fdral.
Vous finissez par dire qu'il n'y a pas de ministre dvou aux intrts des enfants. Cependant, plus tt, vous
avez parl du fait qu'au Canada, dans notre rgime fdral, le gouvernement fdral a autorit sur certaines
questions, les provinces sur d'autres, et les municipalits sur d'autres encore. Il faut de la coopration et de
la coordination pour que tous les trois parviennent trouver une rponse dfinitive bon nombre de
proccupations que vous avez souleves.
Vous avez surtout parl de ce qui est ncessaire pour assurer un leadership politique. Pouvez-vous mieux
expliquer ce que vous entendez par leadership politique? Notre rle principal, au Snat, c'est de dcider de
politiques publiques. En quoi et comment est-ce que cela se rapporte-t-il ce que vous appelez le leadership
politique? De quelle faon voulez-vous que nous assurions un leadership, d'aprs ce que vous savez de notre
principale fonction? Est-ce que vous suggrez de tout simplement crer d'autres lois? Est-ce que c'est ce que
vous entendez par leadership politique, ou y a-t- il autre chose?
M. Dudding : La dfinition du leadership politique, telle que je la vois, tout d'abord, c'est qu'il
est important d'investir certaines personnes de responsabilits au niveau politique. Je dirais qu'il y a deux
rles importants, celui du secrtaire d'tat pour l'enfance et la jeunesse, et l'autre est celui du rle de
conseiller spcial. Cela n'enlve rien la responsabilit des autres, mais il serait important d'avoir ce genre
de rle de leadership visible au sein du gouvernement.
Le deuxime lment, aprs rflexion, c'est, en raison de l'importance de constituer un cadre, la notion de
la commission pour Un Canada digne des enfants ; il faut ce genre de discussion continue et focalise, et
crer des mcanismes de surveillance et de reddition des comptes, si on veut, sur toutes les questions lies aux
enfants et aux jeunes. Ce serait un autre moyen de dmontrer ce genre de leadership.
Le snateur Oliver : Je suppose que la cration d'un comit comme celui-ci au Snat et d'un autre du
mme genre la Chambre des communes, pour surveiller cette situation et en discuter de faon continue, pourrait
aussi tre une autre dmonstration de ce genre de leadership?
M. Dudding : Certainement, je suis tout fait d'accord.
Le snateur Oliver : J'aimerais passer la question de la prsomption rfutable, si vous permettez.
C'est un concept intressant, mais qui repose entirement sur la preuve. Je m'explique. Si la prsomption peut
tre rfute, s'il y a assez de motifs pour rfuter la prsomption, et l'une des prsomptions est que les
enfants seront en scurit, ce que je voudrais savoir, c'est quel genre de preuve vous faudrait-il? Si un pre a
t agressif, par exemple, quel genre de preuve faut-il? Lorsque le pre va la barre et dit : Je ne le ferai
plus , est-ce que cela suffit pour rfuter la prsomption? Quel genre de preuve faut-il pour la rfuter?
Mme Crooks : C'est une excellente question. Elle illustre vraiment bien la ncessit de renforcer la
capacit du systme. Il faut des juges et des valuateurs de la garde qui peuvent composer avec des enjeux
rellement complexes. La prsomption rfutable peut tre infirme la lumire des caractristiques des actes
d'agression. Par exemple, si quelqu'un a pouss l'autre au moment de la sparation, a ne lui ressemble pas, et
a ne devrait pas se reproduire. Un agresseur admet sa responsabilit. Ce genre de chose peut tre tenu en
compte. Quelqu'un qui dit : Non je ne le ferai plus , n'est pas forcment trs convaincant.
L'autre chose, c'est qu'il faut un systme o tout le monde peut faire une valuation continue des risques.
Le juge ou l'valuateur de la garde doit connatre les grands facteurs de risque pouvant constituer un danger.
Il faut des gens qui savent que lorsque quelqu'un enfreint une ordonnance de probation ou de protection, c'est
srieux et il faut traiter la chose comme telle. Si quelqu'un enfreint une ordonnance de protection, peu importe
ce qu'il dit devant le tribunal. C'est vraiment un avertissement grave.
Le snateur Oliver : Personne ne va prtendre le contraire.
Mme Crooks : Non, et il n'existe pas actuellement une capacit globale pour tenir ces dlibrations
complexes dans l'ensemble du systme. Les gens ne sont pas l'aise lorsqu'il faut se fier aux allgations de la
personne se disant victime de mauvais traitements. Cela devient la parole de l'un contre celle de l'autre. On a
besoin d'valuateurs et de juges comptents pour appliquer un tel systme.
Le snateur Oliver : Monsieur Dudding, lorsqu'on effectue des recherches sur un sujet important, on
commence par l'examen de la documentation disponible. On veut savoir ce qui s'est fait ailleurs dans des
circonstances semblables et des choses de ce genre. Pour ce qui est du leadership politique et de la prise en
charge de l'engagement par un ministre du Cabinet, quelles ont t les mesures prises par d'autres gouvernements?
Lesquels devrions-nous chercher imiter?
M. Dudding : Je n'ai pas une rponse toute prte pour vous. C'est une trs bonne question, snateur.
Je peux seulement vous dire que j'ai l'impression que la plupart des gouvernements ont dsign un ministre
responsable pour ces questions, mais je ne pourrais pas vous prciser quel ministre exactement et quel titre.
Le snateur Pearson : Monsieur Dudding, ma premire question concerne votre exemple de cette jeune de
17 ans qui a t chasse de la maison. Je sais que c'est un phnomne qui proccupe beaucoup les intervenants en
service d'aide l'enfance, notamment. Recommanderiez-vous que nous mettions tout en oeuvre pour favoriser
l'adoption uniforme de l'ge de 18 ans pour assurer la conformit avec la Convention relative aux droits de
l'enfant qui dsigne comme enfant toute personne de moins de 18 ans? Le cas chant, de quelle faon croyez-vous
que nous devrions procder?
M. Dudding : Je vais d'abord rpondre la portion simple de votre question. L'ge de 18 ans est
effectivement celui fix par la convention. Nous croyons que c'est l'ge qui convient.
Pour ce qui est de la portion plus complexe concernant la faon de procder, nous sommes conscients que les
gouvernements provinciaux ont leurs propres sphres de comptence ce chapitre.
C'est pour cette raison que je prconise la cration d'une commission pour Un Canada digne des enfants
qui offrirait une tribune pour soumettre ce genre de questions et en dbattre. Je ne crois pas qu'il soit trs
satisfaisant de compter sur la moralit, la pression des pairs et ce genre d'obligations pour faire avancer ces
dossiers l'chelon provincial. Cependant, compte tenu de notre situation d'tat fdral, il est probable que
les choses se droulent aussi bien que possible dans le contexte actuel.
Si on veut appliquer cette dfinition des moins de 18 ans, il faut galement reconnatre que les ressources
et les services ncessaires devront tre mis en place pour venir en aide aux jeunes de 17 et 18 ans. Sinon, nous
pourrions envenimer la situation.
J'ai vu bien des cas o des organismes locaux d'aide l'enfance sont intervenus pour assister des
adolescents en difficult. Ces organismes n'offraient pas les services appropris et se sont retrouvs faire
plus de mal que de bien.
Le snateur Pearson : C'est un point qui a t soulev galement par la Dre Crooks. Lorsque nous
proposons des modifications lgislatives ou rglementaires, nous devons nous assurer que les mcanismes sont en
place pour venir en aide aux personnes vises par ces changements. Il est bien vident qu' titre de
coprsidente du Comit sur la garde et le droit de visite des enfants, je me suis intress de prs vos
commentaires qui faisaient vraiment cho quelques-unes des observations que nous avons entendues dans les
diffrentes rgions du Canada au sujet de cette question prcise. notre runion de Stockholm, o il existe une
prsomption de garde partage, nous avons t surpris de constater que les autorits se penchaient srieusement
sur la question pour dterminer si les meilleurs intrts des enfants taient bel et bien servis.
Je ne vais pas vous poser de question, mais je vais vous remercier pour votre expos. On reconnat de plus en
plus les problmes causs aux enfants qui sont tmoins de violence. Peut-tre pourrais-je vous poser une
question en votre qualit de psychologue. Croyez-vous que l'ge minimal devrait tre abaiss? Selon moi, tous
les enfants, y compris les tout jeunes, devraient tre inclus. Qu'auriez-vous nous dire au sujet des trs
jeunes enfants qui sont exposs ce genre de comportements?
Mme Crooks : Snateur, vous me rappelez que je voulais demander l'autorisation de distribuer deux
documents. J'ai apport avec moi 25 copies de deux articles. L'un d'eux porte sur les rpercussions juridiques
et stratgiques des changements lgislatifs, mais ces documents sont en anglais seulement.
La prsidente : Les tmoins peuvent s'adresser nous dans leur langue et vous pouvez nous fournir vos
documents que nous allons faire traduire et distribuer.
Mme Crooks : Vous avez soulev une question importante. Les enfants qui sont trop jeunes pour se
rappeler ou comprendre ce qui se passe sont-ils affects par la violence dans leur foyer ou dans leur communaut?
Il ne fait aucun doute que la rponse est oui; le dveloppement neurologique de ces enfants est affect de
diffrentes faons vraiment inquitantes. Il existe des preuves probantes des effets ressentis par le cerveau
d'un enfant qui est constamment en situation de stress et qu'on ne rconforte jamais. Du point de vue du
dveloppement, les enfants sont touchs diffremment selon leur ge, mais ils sont tous affects. Les trs
jeunes enfants ressentent galement des effets au chapitre de l'tablissement de liens srs et solides avec les
adultes qui leur dispensent des soins. C'est d'ailleurs la tche principale d'un jeune enfant. Ces liens solides
sont le fondement de leur perception du monde et de la faon dont ils tablissent d'autres relations. Pour crer
de tels liens avec un jeune enfant, il faut rpondre ses besoins. Si un jeune enfant est expos beaucoup de
cris et de disputes, il se retrouve en situation de dtresse et prouve de la difficult dormir, d'autant plus
que le pourvoyeur de soins ne lui procure pas un rconfort suffisant. Il n'est pas ncessaire que les enfants se
souviennent d'un vnement pour que celui-ci les affecte.
Le snateur Carstairs : De toute vidence, vos statistiques ne sont pas vraiment rjouissantes. Je me
demande parfois si les statistiques ne s'aggravent pas uniquement parce que nous sommes davantage au courant des
traitements infligs aux enfants, ou bien si la situation se dtriore vraiment. Il y a actuellement plus
d'enfants en famille d'accueil que jamais auparavant; cela ne fait aucun doute. Se retrouvent-ils en famille
d'accueil alors qu'il y a 25 ans, on les aurait laisser, leur dtriment, au sein de leurs familles respectives,
ou y a-t-il vraiment plus d'enfants qui ont besoin des soins d'une famille d'accueil? Comment peut-on y voir
plus clair?
M. Dudding : Ma rponse est oui dans les deux cas. Il est bien certain que nos attitudes et nos points
de vue relativement ce qui constitue un risque ou un danger pour nos enfants a volu et continuera d'voluer.
bien des gards, nous voyons cela de faon favorable. Nous avons constat et reconnu que le filet de scurit
sociale du Canada s'est effiloch. Cette dtrioration a affect beaucoup de gens mais, bien videmment, ce sont
les personnes vulnrables qui en ont proportionnellement le plus souffert. Cette affirmation est galement vraie.
Il s'agit de dmler tout cela, ce qui nous amne nous interroger quant aux objectifs viser. Le nombre
croissant d'enfants confis aux services publics nous place devant l'obligation de leur offrir une aide plus
efficace.
Le nombre de foyers d'accueil n'a pas augment proportionnellement la quantit d'enfants confis ces
services. Il y a un foss entre les torts causs aux enfants et notre capacit de mieux faire pour leur venir en
aide. C'est une autre source de proccupation.
Le snateur Carstairs : Docteure Crooks, j'ai trouv intressante la brve analogie que vous avez
faite entre les foyers o il y a violence familiale et les mauvais traitements qui en dcoulent pour les enfants.
Avez-vous effectu, ou comptez-vous raliser, d'autres recherches relativement cette corrlation directe? Je
crois que dans un foyer o il y a violence familiale, il y a trs peu de chances que les enfants russissent
l'esquiver, surtout s'ils s'y trouvent mls, et il est difficile pour les enfants de ne pas s'y retrouver mls.
Les enfants ont la capacit inne d'tre toujours prsents au cur des vnements.
Mme Crooks : Il y a certains faits importants connatre ce sujet. Jeffrey Edleson, de l'Universit
du Minnesota, a ralis quelques-uns des travaux les plus intressants dans ce domaine en examinant les faons
dont les enfants sont touchs, et les perceptions des parents cet gard les parents pensent le plus souvent
que les enfants dorment. M. Edleson a men un sondage tlphonique auprs d'enfants exposs la violence
familiale et dcouvert un large ventail de manires dont ils peuvent tre touchs. Le recoupement se situant
entre 30 p. 100 et 60 p. 100 est fond sur l'examen de plusieurs tudes portant sur la violence physique. Bien
des gens, et je m'inclus dans le lot, soutiendraient que les enfants sont victimes de mauvais traitements
motifs dans 100 p. 100 des cas o l'un des parents agresse l'autre. Toutes ces statistiques dpendent des faits
rapports et des instances qui en sont saisies. Je fais galement partie d'un groupe qui a mis sur pied l'un des
premiers programmes destins aux pres violents. Un projet pilote est en cours dans diffrentes rgions de
l'Ontario et des tats-Unis. Nous avons constat que ces pres taient gnralement aiguills vers le groupe par
une Socit d'aide l'enfance en raison de leur comportement violent. Dans le contexte de notre travail, il
apparat vident que la violence n'est pas aussi diffrencie que cela. Lorsqu'un incident est signal, il
devient clair qu'il existe galement une diffrence entre les victimes officiellement reconnues et les
vnements qui se droulent au sein de la famille. Tous ces lments sont bien sr interrelis.
[Franais]
Le snateur Losier-Cool : Ma question s'adresse M. Dudding. Aux pages sept et huit de votre
prsentation on retrouve les recommandations au comit. Je ne sais pas si vous prfreriez que le comit
choisisse une de ces huit recommandations, parce que bien souvent il faut se crer une priorit, si je puis
dire. La recommandation que je prfre est certainement celle au numro deux, qui mentionne la cration d'une
commission.
Je voudrais que vous me dmontriez la diffrence entre la commission et le secrtariat. D'aprs ma lecture de
la recommandation, le secrtariat pourrait alimenter la commission, lui fournir des services. Je prfrerais la
cration d'une commission parce que celle-ci rpondrait au Parlement et serait appuye par une lgislation. Et
tant appuye par la lgislation, la commission serait soumise aux autres lois du Canada et la Loi sur les
langues officielles. Les jeunes enfants en situation minoritaire au Canada auraient droit aux commissions.
Le mandat de cette commission serait d'examiner tous les sujets concernant les enfants. Quand vous aurez
examin tous ces sujets, quels seraient les moyens de pression que la commission pourrait avoir?
[Traduction]
M. Dudding : Il y a deux parties votre question; j'aimerais d'abord dire qu' mon point de vue, la
deuxime recommandation visant la cration d'une commission est je serais d'accord avec le snateur ce sujet
beaucoup plus importante si l'on veut donner la visibilit voulue ce dossier primordial pour nous tous.
Selon moi, la premire recommandation concernant le secrtariat est davantage d'ordre administratif. Je ne
voudrais pas en diminuer l'importance, mais il s'agit de coordonner les interventions du gouvernement fdral et
de ses ministres et de prendre les mesures qui s'imposent dans les dossiers de dfense des droits relevant
uniquement des instances fdrales. En comparant les deux, on constate qu'une commission aurait un mandat
lgislatif beaucoup plus large qu'un secrtariat.
La deuxime partie de la question est plus complexe. Soit dit en passant, si la commission se voyait confier
le mandat prvu dans ce document, elle aurait du pain sur la planche au moins jusqu'en 2015. Je crois que c'est
suffisant pour me permettre de travailler mon aise. D'autant plus que je sais qu'il y aura encore du travail
en 2016.
Plus important encore, il faut rgler le principal problme qui se pose nous dans le contexte d'un tat
fdral quant la faon de cibler les diffrentes responsabilits. Il n'y a pas de solution simple cet gard.
Les discussions tenues vendredi dernier concernant le programme de garde d'enfants nous montrent bien quel
point ces dossiers sont complexes.
La cl, c'est de s'assurer la participation de toutes les provinces et tous les territoires, comme nous
l'avons fait de faon relativement satisfaisante avec le conseil des soins de sant, en leur confiant un rle
dans les discussions ainsi qu'un mandat permanent. Il conviendrait d'utiliser le mme genre de modle ou
d'approche avec la commission propose de manire maintenir de faon permanente les pressions en faveur d'un
alignement des autres gouvernements.
L'autre question concernant les aspects plus juridiques de l'application de la convention nous amnerait
certes notre huitime recommandation relativement au rle de la Commission du droit. Une telle tude nous
aiderait tous mieux comprendre les rles fdraux et provinciaux pouvant tre invoqus au titre des questions
d'ordre juridique touchant l'application de la convention.
Le snateur Poy : J'ai une question pour Mme Crooks. Pourriez-vous nous faire part de vos impressions
relativement la dcision de la Cour suprme au sujet de l'article 43 du Code criminel touchant les chtiments
corporels l'gard des enfants? Que pensez-vous de cette dcision?
Mme Crooks : Pour ce qui est des chtiments corporels, je pense qu'on a demand tout l'heure M.
Dudding si c'tait la loi qu'il convenait de changer, ou plutt la volont des gens ou les programmes offerts.
J'estime qu'il est essentiel que la loi tablisse la norme suivre en matire de chtiments corporels.
l'chelle internationale, par exemple, aucun enfant sudois n'est dcd en raison de mauvais traitements dans
les sept annes qui ont suivi l'adoption d'une loi interdisant les chtiments corporels. Selon moi, il ne peut
pas y avoir de preuve plus probante. Je ne sais pas si cela rpond bien votre question.
Le snateur Poy : Oui. C'est donc ce que vous suggreriez notre gouvernement?
Mme Crooks : Oui. Je ne crois pas que le Code criminel stipule qu'il est interdit de battre un enfant
moins qu'il ne soit g de deux 16 ans.
Le snateur Poy : Cela n'a aucun sens.
Mme Crooks : Non, pas vraiment.
La prsidente : Nous vous remercions tous les deux pour votre prsence et pour les renseignements
nouveaux que vous nous avez transmis relativement la situation des enfants au Canada. Vous pouvez tre assurs
que nous allons tenir compte de vos opinions et de vos suggestions et nous attendons avec impatience les
documents que vous vous tes engags nous soumettre et toute autre information pertinente.
Nous passons maintenant sans tarder notre deuxime groupe de tmoins.
La prsidente : Merci. Nous pouvons maintenant reprendre nos travaux. Nous recevons M. Agnew, de
UNICEF Canada, ainsi que Mme Vandergrift, prsidente du Groupe de travail sur les enfants dans les conflits
arms, Vision mondiale Canada, et Mme Austin, analyste des politiques, Droits de l'enfant et VIH-sida, Vision
mondiale Canada.
Nous avons pris un peu de retard. Je vous demanderais donc de nous faire part de quelques brves observations
prliminaires, sans ncessairement nous prsenter le contenu dtaill d'un mmoire, par exemple. Si vous pouviez
seulement nous exposer les points que vous jugez les plus importants, cela nous laisserait un peu de temps pour
les questions.
M. David Agnew, prsident et chef de la direction, UNICEF Canada :
J'aimerais vous remercier, non seulement pour nous donner l'occasion de vous adresser la parole, mais galement
pour mettre en lumire ce sujet trop souvent nglig.
Comme je connais bien les tmoins qui nous ont prcds et les autres personnes qui ont pris la parole, je
peux vous dire qu'ils reprsentent des groupes de dfense et des ONG de tout premier plan qui vous font
bnficier d'une expertise considrable en matire de droits de l'enfant. Vous comptez en outre parmi vous, en
la personne du snateur Pearson, le plus grand dfenseur des droits de l'enfant au sein du gouvernement du
Canada. Vous tes certes bien renseigns au sujet de la situation au pays.
J'aimerais aborder deux aspects de la question. Premirement, vous avez pu prendre connaissance de l'tude
des Nations Unies sur la violence l'gard des enfants aux fins de laquelle nous sommes heureux d'offrir des
services de secrtariat. J'aimerais souligner l'importance de cette tude. Je pense qu'elle pourrait apporter
une prcieuse contribution non seulement pour mobiliser la population, mais galement pour faire avancer le
dossier crucial de la lutte contre la violence faite aux enfants.
En second lieu, j'aimerais vous prvenir que l'UNICEF rendra public le mois prochain un rapport sur
l'volution des taux de pauvret infantile dans les pays de l'OCDE, y compris au Canada bien naturellement.
Selon l'anne de dbut et de fin choisie, ce rapport indique une amlioration extrmement faible de la situation
au Canada, ce qui n'empche pas notre si gnreuse nation de permettre, selon nos calculs, que 15 p. 100 de ses
enfants vivent encore dans la pauvret. Ce taux nous situe au 19e rang parmi les 26 pays membres.
Lorsqu'il est question de nos obligations en vertu de la convention, je vous soumets ces statistiques en vous
signalant que bien que les droits des enfants ne soient pas quantifiables en termes de dollars, il est difficile
de ne pas croire qu'une telle tolrance l'gard de ce niveau persistant de pauvret ne montre pas que notre
pays a beaucoup de chemin faire pour respecter les idaux et les principes de la convention.
J'aimerais porter votre attention sur un autre point. Comme je sais que vous avez t bien renseigns et
continuerez d'tre tenu au fait de la situation au Canada, je voudrais vous entretenir de l'un des aspects de
nos obligations en vertu de la Convention. Je vais donc vous parler de la contribution de notre pays aux fins de
la cration d'un monde digne des enfants. En adhrant la Convention, nous nous retrouvons dans l'obligation de
ne pas nous limiter aux simples questions nationales, malgr toute l'importance qu'elles revtent, et de nous
engager assurer que les idaux et les principes noncs dans la convention sont concrtiss partout dans le
monde. C'est ce que vous trouverez l'article 4 de la convention, mais je peux vous dire que notre acceptation
des Objectifs de dveloppement du millnaire des Nations Unies, notre place au sein du G7 et diffrents autres
facteurs illustrent bien quel point cet engagement est important.
Je reconnais les contributions importantes du Canada au bnfice des enfants de toute la plante, commencer
par le soutien gnreux et croissant de l'UNICEF dans les 158 pays et territoires o nous oeuvrons. Nous
estimons prioritaire et fort prcieux notre partenariat avec le gouvernement du Canada, et notamment avec
l'Agence canadienne de dveloppement international, l'ACDI. Il faut galement souligner l'importance accorde
par le Canada aux enfants touchs par la guerre; ses efforts constants pour lutter contre les carences en
micronutriments; ses programmes pour l'immunisation de millions d'enfants; nos investissements considrables et
opportuns dans la lutte contre le sida, la tuberculose et la malaria; la Convention d'Ottawa sur les mines
antipersonnel; et le nombre considrable de statuts, de conventions et de protocoles ratifis par notre pays.
Malgr cette liste fort impressionnante d'engagements, il subsiste un lment pour lequel le Canada n'a pas
russi respecter ses obligations l'gard des enfants du monde, ce qui est tout aussi malheureux
qu'inacceptable. Je parle de la promesse que nous avons faite il y a 35 ans de consacrer 0,7 p. 100 de notre
revenu national brut l'aide au dveloppement.
L'automne dernier, nous avons rendu public La situation des enfants dans le monde 2005 , un rapport
renfermant quelques donnes brutes qui nous rappellent le gouffre qui continue d'exister entre les engagements
de nos dirigeants et les mesures qu'ils prennent, ainsi que les consquences humanitaires d'un tel cart. Sur
notre plante, un enfant sur deux vit dans la pauvret; 20 enfants meurent chaque minute d'une maladie vitable
ou traitable, 121 millions d'enfants de six onze ans ne frquentent pas l'cole; pas moins de 90 millions
d'enfants souffrent de malnutrition grave; on compte 15 millions d'orphelins du sida et des lgions d'enfants
soldats et prostitus et la liste pourrait s'allonger encore. Au total, on parle donc d'un milliard d'enfants
qui sont privs des droits fondamentaux dont nous voudrions tous voir nos enfants bnficier.
On ne souhaite pas vraiment tablir de comparaison avec les sommes que nous investissons chaque anne dans le
monde pour les dpenses militaires et les subventions agricoles. Ces investissements atteignent environ 1,5
billion de dollars. Nous dpensons moins de 5 p. 100 de cette somme pour le dveloppement et, pourtant, les
retombes sont normes.
Les enfants sont au cur mme des Objectifs de dveloppement du millnaire. Il n'y a absolument aucune chance
que nous puissions atteindre ces objectifs de survie et de promotion des droits sans apporter des changements en
profondeur, d'autant plus qu'aucun des sept pays les plus riches du monde ne s'approchent du taux de 0,7 p. 100,
et que seulement deux de ces pays se sont officiellement engags atteindre ce niveau dans un dlai dtermin.
Je suggre trs respectueusement votre comit qu'il s'attaque au dfi de positionner le Canada, qui se
situe actuellement dans la deuxime moiti du tableau au chapitre de l'aide au dveloppement, parmi les chefs de
file en vue de la concrtisation de nos engagements de longue date. Certains pourraient penser que cet espoir
est illusoire dans le contexte actuel, mais trois facteurs distincts m'amnent faire montre d'optimisme.
Je pense tout d'abord la gnrosit absolument extraordinaire dont les Canadiens et leur gouvernement ont
fait preuve pour les millions de victimes du rcent tsunami. Voil qui montre bien que le Canada n'est pas
indiffrent.
Les rsultats d'un examen de notre politique internationale devraient tre rendus publics sous peu. J'ai
appris que cela devrait suivre de prs le budget. Grce aux fuites qui prcdent de telles publications, nous
pouvons constater que le premier ministre raffirmera sa volont de redonner au Canada la place qu'il occupait
dans le monde. Nous savons tous que cela ne va pas sans certaines dpenses. Il y a effectivement un prix payer
pour ce faire.
Enfin, et on peut voir cette situation comme un verre moiti vide ou un verre moiti plein, cinq des
participants la rcente runion des ministres des Finances du G7 s'y sont prsents avec un plan d'allgement
de la dette. Bien qu'il soit un peu embarrassant de se retrouver avec cinq plans diffrents tant donn que l'on
n'est pas parvenu s'entendre pour en retenir un seul, on peut se rjouir l'ide que cette solution est
envisage et qu'on convient en principe de la ncessit d'agir rapidement et de faon plus soutenue
qu'auparavant.
J'aurais deux recommandations vous soumettre en prvision de votre rapport. Nous souhaiterions en premier
lieu que le gouvernement du Canada s'engage explicitement faire respecter les droits des enfants dans le cadre
de son programme d'action l'chelle internationale. C'est le moment d'agir, car le rapport provisoire devrait
tre prsent sous peu. Nous nous rjouirions d'entendre le comit dclarer, dans le cadre de son examen des
obligations du Canada en vertu de la Convention sur les droits de l'enfant, que les ressources disponibles
doivent d'abord et avant tout tre consacres aux enfants. C'est on ne peut plus clair et simple.
En second lieu, nous recommandons que le Canada prenne un engagement ferme long terme en faveur de
l'atteinte de l'objectif de 0,7 p. 100. Bien videmment, les hausses annonces au chapitre de l'APD au cours des
dernires annes sont les bienvenues et sont certes prfrables aux rductions et aux budgets stagnants qui ont
t notre lot au cours des annes 90. Mais nous n'avons pas de plans pour la concrtisation de l'engagement pris
en 1970 et il serait important que nous nous en donnions un.
C'est notre cinquantime anniversaire au Canada. Ces 50 annes ont t consacres non seulement faire de
notre mieux pour sauver des enfants un peu partout dans le monde et pour amliorer leur sort, mais galement
prendre le pouls des Canadiens. Nous estimons que le moment est propice pour dissiper l'inquitude profonde et
gnrale des Canadiens l'gard des enfants du monde et pour respecter l'engagement que nous avons pris
collectivement de les sortir de la pauvret. Nous avons l'occasion unique non seulement de retrouver notre place
dans le monde, mais galement de faire une contribution considrable la ralisation de l'impratif mondial qui
se trouve au cur mme de la Convention relative aux droits de l'enfant, soit de faire en sorte que chaque fille
et chaque garon puisse grandir en sant et en scurit, quel que soit l'endroit o il habite.
Mme Kathy Vandergrift, prsidente, Groupe de travail sur les enfants dans
les conflits arme, Vision mondiale Canada : Vision mondiale Canada vous est certes reconnaissant de
l'avoir invit discuter avec vous de l'importance de renforcer les mesures d'application au Canada de la
Convention relative aux droits de l'enfant, c'est--dire de la CDE. Je tiens tre trs claire : en tant que
porte-parole aujourd'hui, nous parlons au nom de Vision mondiale. Je sais que, sur l'avis de convocation, je
suis galement identifie comme prsidente du Groupe de travail sur les enfants dans les conflits arms. Ce
groupe serait ravi de venir vous entretenir de cette question galement, mais aujourd'hui, nous parlons au nom
de Vision mondiale.
Le Canada a fait preuve d'initiative en matire de dfense des droits des enfants dans les rencontres
internationales, et nous lui en sommes trs reconnaissants. Cependant, conformment cet objectif, nous
aimerions aujourd'hui vous prsenter trois grandes recommandations. Tout d'abord, nous recommandons que le
Canada labore et adopte une mesure lgislative confrant le statut de loi nationale la CDE, y compris des
mcanismes de reddition de comptes appropris.
En plus d'assurer le respect de la CDE au Canada, Vision mondiale recommande que le Canada s'y conforme dans
tous les aspects de ses relations internationales, y compris l'aide internationale, la diplomatie, le commerce
et les politiques financires internationales. Cela placerait les droits des enfants au cur mme de notre
politique internationale.
Enfin, Vision mondiale recommande que le Canada joue un rle prpondrant dans la promotion de la ncessit
de renforcer les mcanismes internationaux de reddition de comptes prvus dans la CDE, l'outil le plus efficace
pour atteindre les objectifs noncs dans le document intitul Un monde digne des enfants .
Je vais commencer pour vous parler de loi nationale et d'en faire ressortir certains faits saillants. Je
serai brve, puisque vous avez dj reu notre mmoire.
Nous croyons que l'adoption d'une loi qui rendrait la CDE excutoire serait le moyen le plus efficace de
montrer l'engagement ferme du Canada l'gard des droits des enfants et d'en assurer l'application cohrente
dans tous les secteurs et dans toutes les juridictions.
De nombreuses autres ententes internationales, comme les accords commerciaux et certains traits sur les
droits de la personne, sont promulgus par des lois canadiennes parallles. Il est important d'accorder le mme
statut aux droits des enfants au Canada. Ils reprsentent un des groupes les plus vulnrables. Nous remarquons
que, dans le cas de certaines dispositions prvues dans les protocoles facultatifs la CDE, le Canada a adopt
ses propres lois. Nous soutenons qu'il faudrait faire la mme chose pour la Convention relative aux droits de
l'enfant.
Cela aiderait galement assurer une cohrence entre ce que le Canada fait l'intrieur de ses frontires
et ce qu'il prne sur la scne internationale. Nous soutenons, dans notre mmoire, que c'est la faon de donner
suite la fois Un Canada digne des enfants et Un monde digne des enfants .
Nous aimerions vous exposer brivement les avantages d'une loi nationale.
Tout d'abord, elle prouverait que nous sommes dtermins pratiquer ce que nous prchons.
Ensuite, la Convention relative aux droits de l'enfant adopte une approche holistique l'gard des droits de
la personne et, par consquent, elle reprsente notre avis un des meilleurs outils pour renforcer les droits
de la personne au Canada et dans le monde.
En troisime lieu, une loi nationale apporterait un claircissement sur la priorit accorder certains
concepts essentiels comme l'intrt suprieur de l'enfant , et nous allons vous expliquer comment ce concept
recoupe la question des enfants spars dont vous avez dj entendu parl. Il est important de dfinir ce
principe au Canada.
Quatrime point, la loi rduirait la possibilit que ce soient les tribunaux qui dcident des priorits, car
les dcisions judiciaires sont souvent ingales. Il importe que ce soit le Parlement qui lgifre.
Cinquime point, une reconnaissance juridique claire des droits des enfants apporteraient un sain facteur
d'quilibre dans les discussions fdrales-provinciales. Nous avons remarqu que, tout l'heure, vous avez
parl des enfants qui se retrouvent dans le vide, qui ne relvent tout fait ni de l'un, ni de l'autre, mais
parfois, le meilleur intrt de l'enfant est occult par les querelles de clocher entre le gouvernement fdral
et les gouvernements provinciaux. Nous estimons qu'une dclaration nettement en faveur des droits des enfants
aiderait sur ce plan. Par ailleurs, elle contribuerait galement assurer un traitement plus quitable des
enfants dans tout le pays.
Enfin, les mcanismes de reddition de comptes seraient considrs avec plus de srieux s'ils taient intgrs
un cadre lgislatif national explicite.
Le concept de la ralisation progressive des droits conomiques, sociaux et culturels tel que formul dans la
CDE peut fournir un moyen utile de mesurer la ralisation des engagements l'gard des droits des enfants par
rapport aux ressources disponibles. Nous n'aurons pas le temps aujourd'hui d'entrer dans les dtails de cette
question, mais il pourrait tre avantageux pour le comit de se concentrer jusqu' un certain point sur cette
notion. D'aprs mon exprience, le concept d'une ralisation progressive aide souvent rpondre aux
proccupations de certains au sujet d'une approche fonde sur les droits, car ils craignent qu'elle ne cre des
attentes irralistes, entre autres. Il pourrait tre utile que votre comit dballe cette question.
Ma collgue, Mme Austin, vous citera la politique relative aux enfants spars en exemple dans le domaine de
la politique nationale.
Passons maintenant la politique internationale. Comme nous l'avons mentionn, le nouveau cadre stratgique
international, qui avec un peu de chance devrait tre annonc bientt, aurait avantage graviter autour des
droits de la personne, y compris des droits des enfants. Il correspondrait alors au principe voulant qu'un monde
digne des enfants soit un monde digne de toutes les personnes. Un rle central des droits des enfants a des
rpercussions sur la politique commerciale, mais j'aimerais en faire ressortir deux ce stade-ci pour l'Agence
canadienne de dveloppement international, c'est--dire l'ACDI.
Il y a cinq ans, l'ACDI s'est dote d'un plan de protection des enfants qui s'articulait autour d'un cadre
stratgique relatif aux droits de l'enfant. Elle a prouv les avantages d'une pareille approche, mais seulement
l'gard de trois groupes choisis : les enfants qui travaillent, les enfants touchs par un conflit arm et les
enfants faisant l'objet d'exploitation sexuelle. Cette stratgie est actuellement en rvision, de sorte que les
recommandations de votre comit l'gard des droits des enfants et de l'ACDI devraient arriver avec beaucoup
d'-propos. En plus de renouveler la stratgie, il faudrait aussi, notre avis, l'largir de manire en faire
une approche plus globale et plus robuste l'gard des droits des enfants.
Je vous donne un exemple. Un des principaux outils qu'utilise l'ACDI pour mettre en uvre ses politiques est
le cadre de dveloppement des pays en dveloppement. Dans bon nombre de ces pays, entre 40 et 50 p. 100 de la
population a moins de 18 ans. Pourtant, quand nous posons la question de savoir si l'on tient compte des droits
des enfants dans ce cadre, souvent on se fait rpondre par la ngative. Il y a lieu de se demander comment la
rduction de la pauvret peut tre efficace si elle ne tient pas compte des droits de 40 50 p. 100 de la
population. Nous aimerions que l'approche de l'ACDI l'gard des droits de l'enfant soit largie de manire
inclure ces cadres de dveloppement, pour que l'on tienne compte ds le dbut de la situation des enfants dans
les pays en dveloppement.
Enfin, il importe de renforcer l'obligation de rendre des comptes au niveau national comme international.
Dans le cadre d'une loi nationale, on peut envisager divers mcanismes de reddition de comptes. Ainsi, on peut
valuer l'impact sur les enfants des mesures budgtaires. Vous avez entendu parl tout l'heure d'une
commission. On pourrait faire appel toute une gamme de mcanismes. Selon nous, il serait peut-tre bon de
s'informer de l'exprience vcue par d'autres pays cet gard.
l'chelle internationale, le partenariat de Vision mondiale a propos que l'amlioration du systme des
droits de la personne soit une priorit absolue de la rforme de l'ONU. Nous inclurions particulirement les
droits des enfants.
Il s'agit-l en ralit du seul outil dont nous disposons l'chelle internationale pour protger les droits
de la personne. Les rsultats d'un systme faible de dfense des droits de la personne sont manifestes dans
l'impuissance de l'ONU qui, en dpit d'une importante promotion, n'arrive pas protger efficacement les
enfants contre les abus les plus notoires dans les longs conflits arms. J'en veux pour preuve la situation dans
le nord de l'Ouganda, o le conflit dure depuis plus de 10 ans sans vraiment retenir l'attention, la Rpublique
dmocratique du Congo, o les violations sont bien connues, et la conjoncture actuelle au Darfour, qui aurait pu
tre prvenue. Dans chacun de ces cas, des avertissements et de l'information taient disponibles, mais peu de
mesures srieuses ont t mises de l'avant pour protger le droit la scurit et les autres droits des enfants.
Nous faisons bon accueil aux rformes proposes par le Groupe d'experts de haut niveau qui constituent une
premire tape, mais elles demeurent insuffisantes. Nous proposons que le Canada, comme entre en matire,
appuie la recommandation qui permettrait au Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme d'avoir
accs priodiquement au Conseil de scurit, et nous suggrons que la protection des droits des enfants menacs
par les conflits arms soit l'objectif prioritaire. Nous avons aussi suggr que le travail accompli par le
Canada en matire de scurit des enfants demeure une priorit absolue dans le nouveau cadre de politique
internationale.
En plus des mesures recommandes, toutefois, il faudrait aussi laborer une procdure de traitement des
plaintes en cas de violation des droits des enfants. Ma collgue, Mme Austin, vous en parlera plus en dtail.
J'aimerais aussi parler des institutions financires internationales, parce les ressources sont souvent
invoques quand il est question des droits des enfants. Vision mondiale a entrepris d'amorcer un dialogue avec
la Banque mondiale sur le rle qu'elle pourrait jouer en vue d'aider les pays rencontrer leurs obligations
sous le rgime de la Convention relative aux droits de l'enfant. Nos tudes dans les pays en dveloppement
rvlent qu'en adoptant une approche fonde sur les droits en matire d'ducation, les ressources sont en
ralit beaucoup mieux utilises. Nous croyons qu'il existe de nets avantages intgrer les droits de l'enfant
mme au sein d'organismes comme la Banque mondiale.
Enfin, nous affirmons que la Convention relative aux droits de l'enfant est un des outils les plus importants,
mais sous-utiliss, de la dfense des droits des enfants.
Nous exhortons le comit continuer d'assumer un rle de leadership cet gard.
Sara Austin, analyste des politiques, Droits de l'enfant et VIH-sida, Vision
mondiale Canada : Je vais vous parler brivement de quelques-uns des points qu'a soulevs Mme Vandergrift
dans sa dclaration et parler un peu plus abondamment de ce qui trouve dans notre mmoire.
J'aimerais tout d'abord vous parler de la politique internationale et de l'impact que peuvent avoir les
droits des enfants et la Convention relative aux droits de l'enfant lorsqu'elle est mise en uvre sur le
terrain. cette fin, j'aimerais partager avec vous l'exemple d'un des programmes que soutient Vision mondiale
depuis plusieurs annes en Inde, Bangalore. Le programme est particulirement ax sur la main-d'oeuvre
infantile et sur l'limination de ses pires formes. Le programme a adopt une approche explicite axe sur les
droits de l'enfant. Un des aspects les plus dynamiques du programme est le dveloppement d'un syndicat de la
main-d'oeuvre infantile dirig par des enfants. Il a fourni aux enfants une tribune leur permettant tout d'abord
de s'informer de leurs droits, puis de militer pour la dfense de leurs propres intrts. Le programme aide
faciliter un processus dans le cadre duquel les enfants peuvent dfendre leurs droits d'abord auprs des
employeurs, puis auprs des lgislateurs locaux et nationaux. Plutt que d'adopter une approche protectionniste
qui consisterait simplement retirer les enfants du march du travail, les enfants peuvent jouer un rle actif
dans la ngociation avec des adultes qui ont de l'influence sur leurs conditions en vue d'amliorer leur sort.
Un des rsultats favorables est que les enfants ont russi obtenir de meilleures conditions de travail et
avoir meilleur accs l'ducation, tant formelle qu'informelle.
Je ne peux vous parler de ce programme que brivement. Il est clair toutefois qu'en matire de main-d'oeuvre
infantile, en adoptant une approche trs explicite l'gard des droits des enfants par opposition une
approche plus gnrale visant leur bien-tre, on aide manciper ces enfants et on voit leur situation de
manire holistique.
Le deuxime point que j'aimerais aborder avec vous et qu'a mentionn Mme Vandergrift est la situation des
enfants spars. Un enjeu de la politique nationale qui mrite plus d'attention est la situation des enfants
spars et la ncessit d'adopter leur gard une approche misant sur leur meilleur intrt et conforme la
Convention relative aux droits de l'enfant. Comme le fait ressortir notre mmoire, Vision mondiale Canada et
d'autres ONG en ont plusieurs fois parl au niveau tant national qu'international. Le Comit des droits de
l'enfant a soulign la question des enfants spars comme tant d'une proccupation particulire, les deux
dernires fois que le Canada a comparu devant le comit. Pourtant, en dpit de tout cela, nous n'avons constat
aucune amlioration significative. En 1995, le comit a not avec regret que les principes de
non-discrimination, du meilleur intrt de l'enfant et du respect de ses opinions n'ont pas toujours reu de la
part des organes administratifs traitant de la situation des enfants rfugis et immigrants le poids qu'ils
mritent.
En rponse aux proccupations que je viens de mentionner, le gouvernement canadien a dpos des modifications
la Loi sur l'immigration et la protection des rfugis de manire appliquer le principe du meilleur intrt
comme critre pour dcider de la dtention des enfants mineurs. Bien qu'il s'agisse d'une forme de progrs, on
continuait d'avoir une vue trs troite de la question. Elle ne satisfait pas aux normes tablies dans la
Convention relative aux droits de l'enfant, notamment que le meilleur intrt de l'enfant doit tre une
considration de premier ordre dans toutes les dcisions le concernant.
En 2003, quand le Canada a prsent son rapport priodique suivant au Comit des droits de l'enfant, le
comit a fait remarquer que le meilleur intrt de l'enfant n'est toujours pas suffisamment dfini et reflt
dans certaines lois, des dcisions des tribunaux et des politiques touchant certains enfants, surtout ceux qui
risquent d'tre dports ou dont la garde est en question. Le comit s'est dit particulirement proccup par le
fait que le gouvernement n'a pas adquatement rgl les problmes des enfants spars qui ont t ports son
attention en 1995, par exemple la question de la runification des familles, les dportations et la privation de
libert. Le comit a ensuite fait, pour les enfants qui demandent asile au Canada, cinq recommandations prcises,
y compris le besoin d'adopter et de mettre en uvre une politique nationale relative aux enfants spars. Deux
ans se sont couls depuis lors et rien n'a t fait. tant donn ces proccupations, nous estimons qu'une loi
nationale apporterait des claircissements au sujet de la priorit accorder des concepts fondamentaux comme
le meilleur intrt de l'enfant et aiderait protger les droits des enfants spars.
J'aimerais maintenant aborder avec vous un dernier point concernant le renforcement des mcanismes de
reddition de comptes. Plus particulirement, Vision mondiale recommande que le gouvernement du Canada prenne des
mesures en vue d'laborer une procdure de traitement des plaintes pour la violation des droits des enfants.
Cette procdure pourrait tre efficace dans le cas des violations importantes qui n'auraient pas fait l'objet de
recours internes et qui ne sont pas traites correctement par l'entreprise des rapports quinquennaux soumis au
Comit des droits de l'enfant. Ainsi, le comit a dclar que, pour que les droits aient un sens, il faut avoir
sa disposition des recours efficaces pour traiter des violations. Cette exigence est implicite dans la
convention et constamment mentionne dans les six autres grands traits internationaux relatifs aux droits de la
personne. En l'absence d'un mcanisme srieux sur lequel les dfenseurs des droits des enfants et les enfants
pourraient compter pour demander une protection et esprer avoir une possibilit raisonnable de corriger la
situation, il est permis de douter de la sincrit de l'importance actuellement accorde informer les enfants
de leurs droits. Bien que l'idal soit que la situation soit corrige au niveau local, il est clair que les
recours internes ne correspondent souvent pas aux besoins des enfants ou qu'ils n'existent tout simplement pas.
Les outils internationaux de gouvernance doivent prendre plus au srieux les droits des enfants, sans quoi nous
risquons de leur offrir de faux espoirs.
Vision mondiale recommande que votre comit examine les nouvelles tudes pour trouver des moyens de renforcer
la mise en uvre de la Convention relative aux droits de l'enfant grce l'laboration d'une procdure de
traitement des plaintes. De plus, nous l'exhortons envisager d'appuyer l'laboration d'une procdure de
traitement de plaintes qui est accessible aux enfants, de manire ce qu'ils puissent participer de manire
utile la dfense de leurs propres droits.
Le snateur Pearson : Je vous remercie toutes les deux de vos dclarations. Il est trs important de
connatre la perspective internationale, et vous avez toutes deux fait des exposs qui se compltaient. M.
Agnew, il conviendrait peut-tre de rappeler aux snateurs, ce comit-ci, la distinction faire entre UNICEF
Canada et l'UNICEF. Les deux organismes ont des rles quelque peu diffrents. Parfois, nous vous tenons
peut-tre responsable de choses qui ne relvent pas vraiment de votre comptence ou l'inverse.
M. Agnew : Vous ne seriez pas les premiers le faire.
Le snateur Pearson : Comme question accessoire, bon nombre d'entre nous sont proccups par le fait
nous en revenons nos obligations internationales, ce que nous devrions faire que l'appui manifest par le
Canada l'UNICEF dans le cadre de sa contribution aux Nations Unies stagne depuis plusieurs annes. Peut-tre
pourriez-vous nous expliquer cela.
M. Agnew : Par souci de temps, je vais tre bref. UNICEF Canada est une ONG canadienne. Elle fait
partie de la communaut des ONG. Ici, nous travaillons lever des fonds pour appuyer l'organisme international,
ainsi qu'un organisme qui se charge de faire de l'ducation et de la promotion au Canada mme. Bien que nous
soyons certainement trs fiers de notre lien avec l'organisme international, il s'agit bien d'un partenariat. Ce
n'est pas forcement quelque chose que nous pouvons faire nous-mme.
L'aide de base fournie par le gouvernement canadien l'UNICEF est inchange depuis une dcennie, ce qui a de
toute vidence un impact sur le genre de travail que peut faire l'UNICEF. Comme de nombreux autres donateurs, le
gouvernement du Canada a gnreusement vers les fonds qui avaient t rservs cette fin, mais naturellement,
cette aide a fluctu selon les situations d'urgence. Or, pour raliser en fin de compte le respect des droits
des enfants dans le monde long terme, il faut pouvoir compter sur un effort soutenu long terme qui
n'augmente et ne diminue pas selon les situations d'urgence. Il faut prvoir les programme axs sur les droits
dont mes amis de Vision mondiale parlaient sur une priode assez longue. Voil o une augmentation de l'aide
canadienne pourrait tre trs utile.
Le snateur Pearson : Madame Vandergrift, j'aimerais revenir quelque chose que vous avez dit au
sujet de l'approche axe sur les droits, par exemple en Inde, pour faire encore mieux comprendre que l'intrt
d'une pareille approche est son caractre holistique. Pourriez-vous nous en dire un peu plus ce sujet? C'est
l une prcision dont nous avons constamment besoin. Quelle est la diffrence entre l'approche axe sur le
bien-tre et l'approche axe sur les droits?
Mme Vandergrift : Voil o nous estimons que l'approche axe sur les droits a une relle valeur
ajoute parce qu'elle place l'tre global au centre des proccupations, puis examine toutes les composantes et
tous les facteurs qui peuvent avoir un impact sur sa situation. Il ne s'agit pas de rpondre un besoin unique
de la nourriture, de l'eau, par exemple , mais plutt de tenir compte de l'enfant dans sa totalit et de le
traiter comme un acteur dans une situation, plutt que comme un simple bnficiaire passif.
Nous avons vu quelques exemples de cette approche Mme Austin en a mentionn un, et nous pouvons vous en
fournir plusieurs autres qui fait une vritable diffrence en termes tant du rle que les jeunes gens assument
eux- mmes pour rgler les problmes des autres enfants et les aider que du regroupement de divers facteurs.
Elle nous a incits, en tant qu'organismes de dveloppement, nous poser diffrentes questions lorsque nous
travaillons. Ainsi, nous nous interrogeons sur qui pourrait avoir une influence sur la situation, sur l'obstacle
qui empche l'enfant d'exercer pleinement ses droits et nous examinons toute la gamme des intervenants de
manire aboutir d'excellents programmes. Nous allons tre honntes et dire que notre propre mise en uvre
est ingale. Nous sommes en train d'apprendre, mais c'est un facteur trs important.
En ce qui concerne l'ACDI, je vais simplement vous donner un exemple parce que nous aimerions voir une
approche plus robuste l'gard des droits de l'enfant. Nous avons parl rcemment de la nouvelle stratgie
agricole de l'ACDI. Le service de protection des enfants a avec mrite parl de la question de la main-d'uvre
infantile, sans toutefois, en parallle, parler du droit l'alimentation. Que pouvait-il y avoir de plus
central une stratgie agricole que le droit des enfants l'alimentation? Nous prnons une approche trs
robuste qui tient compte de tous les droits des enfants quand l'ACDI examine ses politiques, plutt que
simplement les droits la protection. Est-ce que cela vous aide voir la diffrence?
Le snateur Pearson : Oui, je vous en remercie.
Mme Austin : Je souhaitais simplement ajouter qu'une autre dimension ajoute par la convention aux
programmes communautaires est la faon dont elle fait ressortir les obligations dans le cas du programme de
main-d'uvre infantile. Elle souligne plus particulirement les responsabilits du gouvernement, non seulement
celle d'avoir une loi en place, mais galement de l'appliquer, de mme que les obligations des autres parties, y
compris de l'entreprise prive. Elle confre aux enfants un rle actif dans le processus, mais elle impose la
responsabilit premire ceux qui ont des obligations. C'est l, je crois, une caractristique particulire
l'approche axe sur les droits.
Le snateur LeBreton : Monsieur Agnew, j'aurais une question importante vous poser concernant nos
engagements internationaux. Beaucoup de pays ne respectent pas leurs engagements et ils ne semblent pas s'en
porter plus mal. Le fait de ne pas respecter ses engagements ne semble pas exposer des sanctions trs svres.
Or, vous avez mentionn deux pays qui ont accept de prendre des engagements. Quels sont ces pays et ont-ils
tenu leurs engagements?
M. Agnew : Les deux pays auxquels je faisais allusion sont le Royaume-Uni et la France. Aucun des deux
n'a encore atteint l'objectif de 0,7 p. 100, mais les deux ont adopt un calendrier et comptent l'atteindre
des moments diffrents. Vous savez peut-tre que le Royaume-Uni s'est montr particulirement dtermin en
annonant non seulement un calendrier pour atteindre l'objectif de 0,7, mais en exerant des pressions en faveur
du mcanisme de financement international, que le gouvernement n'appuie toujours pas que je sache, contrairement
d'autres membres du G7. Ce pays a aussi fait des propositions novatrices pour l'allgement de la dette; il est
all jusqu' proposer une annulation des dettes.
Ce sont les deux seuls pays. Parmi les pays du G7 en particulier, la France est le chef de file 0,4 p. 100.
Le Royaume-Uni vient au second rang 0,34 p. 100, et le Canada se situe 0,24 p. 100. Ce sont les chiffres de
l'OCDE. Malheureusement, les deux conomies les plus importantes, soit le Japon et les tats-Unis, sont
pratiquement au bas de la liste, avec l'Italie.
Le snateur LeBreton : Pour revenir au Royaume-Uni, y a-t-il un mcanisme, par l'UNICEF et tous les
gens qui travaillent au Royaume-Uni, qui permettrait de faire pression sur le Royaume-Uni pour qu'il prenne les
rnes? Pourrait-on utiliser un pays affichant de bons rsultats pour que les autres aient un peu honte?
M. Agnew : Voil, il faut donner des noms et susciter la honte. Je sais qu' la runion du G8 parce
que bien entendu, la Russie s'y ajoutera en juillet qui se tiendra en cosse sous la prsidence de Tony Blair,
ce sera l'un des grands enjeux. Cette runion sera la suite de Kananaskis, o le Canada a annonc son engagement
envers l'Afrique et le Nouveau partenariat pour le dveloppement de l'Afrique, le NEPAD.
videmment, l'augmentation de 8 p. 100 que nous avons vue dans le budget, tout le moins depuis deux ans,
est bienvenue. Cependant, elle ne mnera pas le Canada mme mi-chemin de son objectif dans les prochaines
annes. Malheureusement, bien que je sois trs fier d'tre Canadien, je dois dire que notre rputation se ternit.
Tant que nous essaierons d'exercer notre influence sans prendre de mesure concrte, tant que nous continuerons
de nous laisser distraire par des sujets comme l'quipe d'intervention en cas de catastrophe, la DART, les
vhicules amphibies et tout le dbat sur la dfense, nous ne rtablirons vraiment pas notre place dans le monde.
Mme Vandergrift : Il y a cinq pays qui se situent au-del de 0,7 p. 100; certains sont mme 1 p.
100. Je pense qu'il est important que vous le sachiez.
Lorsque nous avons parl aux membres du comit des finances, nous avons particulirement soulign la
situation des Pays-Bas, parce que le revenu familial moyen y est assez semblable celui du Canada. Le fait est
que ces pays ont atteint l'objectif de 0,7 p. 100, certains l'ont mme dpass, sans toutefois que leur conomie
en souffre, donc il y a des exemples. Ce ne sont pas des pays du G7, mais il y en a qui font encore mieux que
l'objectif de 0,7 p. 100.
Le snateur LeBreton : Il s'agit du pourcentage du PIB?
Mme Vandergrift : Exactement; 0,7 p. 100 de leur PIB.
Le snateur LeBreton : J'ai une question pour vous, madame Austin, sur un aspect pratico-pratique,
parce que je crois que le problme du travail des enfants est horrible. Vous avez donn l'exemple de Vision
mondiale Bangalore, en Inde, et de mesures pour renforcer les droits des enfants.
De faon concrte, comment peut-on le faire? Ce sont des adultes qui administrent ces immenses ateliers
clandestins. Comment peut-on atteindre les enfants? Comment peuvent-ils trouver la force de s'organiser et de
rgler ce problme?
Je pense qu'il y a srement beaucoup de rsistance et qu'il faudrait un groupe d'enfants trs braves, moins
que des organismes comme le vtre les aident? Je ne sais pas comment vous le faites. Je dirais que c'est une
question pratique.
Mme Austin : Dans le cas prcis de Bangalore, le syndicat a t mis sur pied par des enfants. Bien que
nous les appuyions, ce sont eux qui se sont organiss; ce sont eux qui se sont dots d'un syndicat. Grce
notre appui financier et notre personnel local, nous avons pu les aider, particulirement pour dfendre leur
cause devant les autorits locales, nationales et internationales, mais ce sont vraiment les enfants qui ont
pris l'initiative. Nous ne pouvons pas en prendre le crdit. Cependant, dans la pratique, c'est trs difficile,
parce que beaucoup d'enfants prennent des risques importants pour participer ces activits.
Par leur syndicat, nous leur donnons une tribune pour se rencontrer. Ils invitent leurs propres confrenciers,
des personnes qui leur offrent de la formation, mais ils organisent eux-mmes leurs runions et planifient et
organisent leur propre budget. Cela dit, il leur faut du personnel qualifi, du personnel sensibilis au travail
avec les enfants, pour que les adultes ne dominent pas le processus, mais qu'ils les aident, la demande des
enfants. Ces personnes doivent savoir quand intervenir, au besoin.
Le snateur LeBreton : Ces enfants travailleurs en ont-ils subi des consquences?
Mme Austin : S'il y a eu des ractions brutales?
Le snateur LeBreton : J'ai vu une fois un documentaire sur des enfants qui se sentaient obligs de
travailler parce que leur famille dpendait d'eux pour leur subsistance. Lorsque des enfants essaient de
s'organiser et d'tre traits plus quitablement dans les ateliers clandestins qui les emploient, n'y a-t-il pas
de consquences? Vous avez parl de risques, mais comment les surmontent-ils?
Mme Austin : C'est l o la dfense de leurs droits et l'tablissement de liens avec les autorits
locales, et particulirement avec les services de police, entrent en jeu. Ils ont besoin de l'appui de la police
et des autorits locales pour ne pas s'exposer aux foudres de leurs employeurs. Bon nombre des enfants dont je
vous parle travaillent dans l'conomie parallle et non dans des usines en tant que telles. Il faut faire preuve
de beaucoup de diplomatie avec les fonctionnaires et les policiers en particulier, pour leur offrir appui et
protection.
Le snateur LeBreton : Il faut un groupe d'enfants trs braves, parce que je ne vois pas comment ils
peuvent en arriver des rsultats positifs.
Mme Vandergrift : Pour ce genre de choses, il faut videmment voir la scurit des enfants. Lorsque
nous intervenons, par exemple, lorsque des enfants se trouvent en situation de conflit, nous ne pouvons pas
toujours faire ce que nous voudrions faire en raison des risques qui se posent pour la scurit des enfants.
C'est incontestablement un facteur prendre en considration.
Le snateur Oliver : J'ai une question pour chaque groupe.
J'ai entendu avec beaucoup d'intrt les propos de Vision mondiale sur la collaboration avec la Banque
mondiale afin d'aider les divers pays respecter leurs obligations internationales en vertu de la convention.
O en tes-vous? Qu'est-ce que la Banque mondiale est prte faire?
Ma deuxime question s'adresse M. Agnew. Je suis au courant des deux recommandations que vous avez
formules, soit que les droits des enfants soient inclus dans notre programme international et qu'on adopte la
formule de 0,7 p. 100. Je sais que vous avez t l'un des principaux acteurs avec Digital 4Sight dans la
ralisation d'un projet de recherche global sur les effets des technologies sur les gouvernements et les
dmocraties. Pouvez-vous nous dire ce que vous avez appris que nous, les dcideurs publics, pourrions mettre
profit concernant ce que les groupes internationaux sont en mesure de faire?
Mme Vandergrift : Je l'ai mentionn, parce que les choses ne sont pas simples dans ce domaine. La
Banque mondiale a d'abord dit que les droits de la personne n'taient pas de son ressort. Nous avons rpondu
qu'il tait de son ressort d'aider les pays respecter les obligations qu'ils ont prises. La raison pour
laquelle la Convention relative aux droits de l'enfant est si utile, c'est que la plupart des pays l'ont signe
et qu'elle dicte des choses prcises sur l'ducation, entre autres. Il y a quelques articles ce sujet.
Nous avons fait valoir que tout comme on a la responsabilit d'aider les pays respecter leurs obligations
financires, on a l'obligation de les aider respecter leurs autres obligations et particulirement voir ce
que leurs politiques ne portent pas entrave la ralisation progressive des droits des enfants. Dans certains
cas, la Banque mondiale a adopt des politiques exigeant des pays qu'ils embauchent moins d'enseignants, par
exemple, donc nous avons vu la situation des enfants rgresser. La ralisation progressive du droit
l'ducation dicte qu'on ne peut pas admettre la rgression dans un pays, il faut continuer d'aller de l'avant.
Le snateur Oliver : Jusqu'o allez-vous avec eux?
Mme Vandergrift : J'aimerais prsenter un autre argument.
Nous avons voulu leur montrer que c'tait leur avantage. La Banque mondiale vise la rduction de la
pauvret, et nous avons russi documenter le fait qu'une approche axe sur les droits et tenant compte de la
pertinence de l'ducation et de sa qualit contribue en fait l'atteinte des objectifs d'efficacit et de
rduction de la pauvret.
Jusqu'o allons-nous? Nous n'avons pas transform la Banque mondiale, mais je pense que notre dialogue sur la
prise en compte des droits des enfants dans sa programmation a certainement fait son chemin. Je peux vous
laisser le document que nous avons utilis dans ce dialogue et que nous allons continuer utiliser pour montrer
qu'elle a une responsabilit.
On ne peut pas demander des pays en dveloppement de respecter leurs obligations si on ne demande pas aux
organismes qui leur fournissent des ressources de faire la mme chose. C'est le principe que nous voulons
illustrer.
M. Agnew : J'ajouterais qu'on ne peut pas du jour au lendemain faire de banquiers des dfenseurs des
droits de la personne, mais il valait la peine d'assister une runion organise juste avant les vacances par
la Banque mondiale et l'UNICEF sur les orphelins du VIH-sida. Je pense qu'on peut avancer pas par pas, partir
de la base, pour passer de l'ancienne approche du dveloppement ax sur les besoins et la charit une approche
axe sur les droits en mettant l'accent sur des situations extrmement frappantes, relles et lourdes de
consquence sur l'conomie comme l'ducation ou la lutte contre le VIH-sida.
Mon exprience de travail concernant les incidences de la technologie sur la gouvernance et la dmocratie m'a
amen voir avec beaucoup d'enthousiasme combien les jeunes interagissent avec les outils technologiques
diffremment de ceux d'entre nous qui ont les cheveux gris. Des outils comme la messagerie instantane, les
services de brefs messages sur les tlphones et les diffrents outils de collaboration qu'offrent les nouvelles
technologies permettent aux gens de se rassembler pour essayer de rsoudre des problmes et ils pourraient
potentiellement et j'insiste sur le mot potentiellement donner une signification trs relle aux aspects
de la participation des enfants. La technologie offre des outils, l o ils sont disponibles, dans les mains
mmes des personnes les moins consultes et souvent les moins en mesure d'avoir voix au chapitre dans les
conseils des gouvernements.
Le snateur Oliver : Combien de pays en dveloppement auraient des outils technologiques comme des
tlphones cellulaires que les enfants pourraient utiliser?
M. Agnew : Voil. Au sujet de la Banque mondiale, c'est une immense lacune prendre en considration.
Bien sr, la ralit est telle qu'au moins dans certains des pays les moins dvelopps, il y a des progrs
technologiques dont nous ne sommes pas au courant en ce qui concerne la pntration de la tlphonie cellulaire.
Le snateur Oliver : Et sans fil.
M. Agnew : Tout fait. Il n'y aura pas de gnration du cuivre. Ces pays sont passs directement aux
stations cellulaires. Il y a de merveilleuses histoires, comme celles de l'utilisation d'un tlphone cellulaire
dans un village indien comme outil de communication ou d'un ordinateur dans une rgion qui donne des gens un
accs au monde extrieur.
Ces outils peuvent aider, ce sont fondamentalement des outils, et c'est ma conclusion en bout de ligne.
Le snateur Oliver : L'UNICEF a-t-elle de la documentation ce propos qu'elle pourrait remettre la
greffire de notre comit pour que nous puissions faire nos devoirs ce sujet afin que la situation des enfants
dans le monde volue davantage dans le sens du pacte et que leurs droits soient plus respects?
M. Agnew : Je ne suis pas certain si l'UNICEF en a, mais je pourrais mettre la main sur certains
documents et les envoyer votre greffire.
Mme Vandergrift : Je vais vous raconter une merveilleuse histoire sur l'utilisation de la radio par
des jeunes pour se parler de leurs droits. Ils l'utilisent pour se protger contre le recrutement d'enfants
soldats.
Le snateur Oliver : Pouvez-vous nous donner des exemples?
Mme Vandergrift : Ils syntonisent la radio et discutent entre jeunes d'un mcanisme de protection. La
radio est assez accessible, mme dans les rgions les plus loignes. Il y en a des exemples dans divers pays,
et je pourrais vous faire parvenir de l'information l-dessus.
[Franais]
Le snateur Losier-Cool : Ma question fait suite la question du snateur Pearson. Elle a parl de
UNICEF New York et UNICEF monde. UNICEF monde, veut se retirer du dossier de l'ducation sexuelle. Cela, mon
avis, va contre les droits des jeunes et des enfants. Est-ce que UNICEF Canada a une position ce sujet?
[Traduction]
M. Agnew : Quels programmes voulons-nous laisser tomber New York?
Le snateur Losier-Cool : Je pense qu'ils parlent de reproduction sexuelle .
M. Agnew : Nous n'avons jamais travaill ce dossier, si l'on peut dire, mais nous mettons videmment
beaucoup l'accent sur la sant des mres et des nouveaux-ns dans le processus reproductif, notamment par le
financement et la promotion de l'ducation sur la prvention du VIH-sida et par des mesures visant faire en
sorte que la mre et le bb soient aussi en sant que possible dans le processus de naissance.
Le snateur Losier-Cool : Je crois comprendre qu'Action Canada pour la population et le dveloppement,
ACPD, milite sur la question de la reproduction et du dveloppement, mais je croyais que l'UNICEF s'occupait
aussi de toutes les questions lies la maternit, la mortalit infantile et la reproduction.
M. Agnew : Pour ce qui est de la mortalit infantile, de la survie des enfants et de la promotion de
l'allaitement, il y a tout un ventail de programmes.
Le snateur Losier-Cool : Dois-je comprendre qu'UNICEF Canada n'appuierait pas la position d'UNICEF
New York de se retirer de tout dossier sur la reproduction ou l'ducation sexuelle?
M. Agnew : Je ne connais aucun exemple o nous nous sommes retirs de ce territoire. Notre politique
est claire.
Le snateur Losier-Cool : Vous avez une politique. C'tait ma question : avez-vous une politique?
M. Agnew : Absolument. Je peux vous la faire parvenir sans problme.
La prsidente : Nous avons eu l'occasion d'entendre le gnral Romo Dallaire une autre fois au comit
des affaires trangres, dans le cadre de notre tude sur l'Afrique. Il a dit qu'on a beau s'occuper de la
pauvret, du VIH-sida et de tous les autres problmes, mais que ce doit tre fait dans une perspective d'galit.
Il prtend que nous ne considrons pas l'Afrique d'gal gal. Nous ne la voyons pas comme un gal. De plus, au
sujet des enfants soldats dans le conflit; de toute vidence, nous ne occupons pas des enfants et ne voyons pas
leurs droits de la mme faon.
Croyez-vous que si nous examinions la convention et que nous pouvions faire comprendre tous que les enfants
jouissent d'un statut gal celui des adultes, qu'ils ont tous les droits dfinis dans la convention, nous
pourrions faire beaucoup de chemin pour rsoudre certains problmes de dveloppement? Ne pourrions-nous pas
considrer la chose comme un problme d'galit plutt qu'un problme de bien-tre? Plutt que de dire qu'il
s'agit d'un problme de droits, nous pourrions faire valoir l'galit fondamentale des enfants, le fait qu'ils
ont des droits ds le moment de leur naissance et que ce sont des citoyens gaux.
M. Agnew : C'est effrayant. Mme Vandergrift a dit combien il y avait de pays. Si je prends l'Afrique
en particulier, o la moiti de la population a moins de 18 ans, il est terrifiant de penser aux consquences
qu'il y aura si nous continuons de sous-financer ces pays et particulirement les familles qu'on rencontre
lorsqu'on se rend sur place, des familles qui ont le dsir absolu de crer pour leurs enfants un monde meilleur
que celui qu'on leur a offert jusqu' maintenant. Personne ne peut tre plus passionn ni loquent que Stephen
Lewis sur la situation actuelle en Afrique sub-saharienne, o des populations entires sont dcimes par le
VIH-sida. J'ai de la difficult m'imaginer, personnellement et non en tant que reprsentant de l'UNICEF,
comment les gens peuvent ne pas voir le lien entre un investissement dans l'avenir que les enfants reprsentent
et la faon dont ces socits et pays volueront. Je sais que le jargon des droits de la personne rebute
certaines personnes. C'est la ralit. Les gens n'aiment pas que les droits soient affirms avec vigueur, ils le
voient comme un exercice scolaire. Nul besoin d'aller bien loin pour voir combien les droits et les besoins sont
interrelis. Bien sr, la pauvret que nous observons chez les enfants en Afrique et ailleurs dans le monde n'en
est qu'un exemple.
Mme Vandergrift : Je travaille avec le gnral Dallaire et je sais avec quelle verve il parle de
l'galit et du traitement des enfants en Afrique. Je me rappelle de la situation du nord de l'Ouganda, o l'on
observe les violations les plus flagrantes des droits des enfants, mais qui pourtant semble tre une rgion
oublie du reste du monde. Le Canada a essay de faire certaines choses, mais c'est une rgion oublie. Les
jeunes nous disent : J'aimerais tant qu'il y ait du ptrole dans notre pays, parce que nos problmes seraient
peut-tre pris plus au srieux. Cela montre bien l'importance que cela revt. Si nous croyons que tous les
enfants sont de valeur gale, alors je pense que nous commencerons transformer ces politiques et voir le
traitement inquitable qui en rsulte. Je pense que c'est important.
J'aimerais simplement ritrer l'avantage d'une approche axe sur les droits de l'enfant. Je pense que sans
une approche axe sur les droits, nous n'en serions pas si loin dans le dossier des enfants-soldats, parce que
ce sont les droits de l'enfant qui ont mis les enfants au programme du Conseil de scurit, sur le plan
politique comme sur le plan humanitaire. Les enfants victimes de la guerre ont longtemps t vus comme du
ressort de Vision mondiale, de l'UNICEF et des organisations humanitaires. Nous avons dit non, ces personnes ont
des droits, donc elles sont devenues partie intgrante du programme politique. Nous avons convaincu le Conseil
de scurit que les menaces leur scurit constituaient des menaces internationales la scurit. Je pense
que l'approche axe sur les droits a fait avancer ce dossier, et il ne fait aucun doute que le gnral Dallaire
est un alli important en ce sens.
La prsidente : Je vous remercie d'tre venus ici ce soir pour nous parler de la dimension
internationale des droits de l'enfant. Je pense qu'il est important, lorsque nous tudions la convention, que
nous examinions non seulement nos obligations nationales, mais aussi nos obligations internationales, et vous
nous avez apport cette dimension. Je vous remercie d'tre venus ici ce soir. Nous interrompons nos travaux
jusqu' lundi prochain.
La sance est leve.
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